Le dernier dragon

Le dernier dragon

Le 15 Sep 1995
LE DERNIER DRAGON est un film de Berry Gordy. Il est sorti en salles à Paris le 24 juillet 1985. Ce texte avait été proposé aux Cahiers de cinéma, Il n’a jamais été publié.
LE DERNIER DRAGON est un film de Berry Gordy. Il est sorti en salles à Paris le 24 juillet 1985. Ce texte avait été proposé aux Cahiers de cinéma, Il n’a jamais été publié.

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LE DERNIER DRAGON est un film de Berry Gordy. Il est sorti en salles à Paris le 24 juillet 1985. Ce texte avait été proposé aux Cahiers de cinéma, Il n’a jamais été publié.
LE DERNIER DRAGON est un film de Berry Gordy. Il est sorti en salles à Paris le 24 juillet 1985. Ce texte avait été proposé aux Cahiers de cinéma, Il n’a jamais été publié.
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Le dernier film de kung-fu.

La pre­mière fois, je suis sor­ti du DERNIER DRAGON ravi et excité, parce que j’aime bien les bons films de kung-fu. La sec­onde fois que je l’ai vu, j’ai vu un film étrange sur les Noirs et les Chi­nois à New-York — et c’est une évi­dence dont j’au­rais pu me ren­dre compte plus tôt puisque, dans l’im­mense salle, bondée, de la Quar­ante-deux­ième rue où je l’avais vu, le pub­lic, moitié noir et moitié chi­nois, hurlait, applaud­is­sait et se lev­ait tout ensem­ble. La troisième fois, tran­quille­ment, je me suis lais­sé éblouir par l’in­tel­li­gence du mon­tage. La qua­trième, j’ai enfin com­pris que c’é­tait un film sur les films de kung-fu. Et la cinquième fois, je suis sor­ti du ciné­ma incon­solable, par- ce que j’avais le sen­ti­ment qu’é­tant tout cela, le film de kung-fu ne pour­rait plus ignor­er qu’on avait par­lé de lui, qu’il en perdrait sa vir­ginité et que, le genre n’é­tant peut-être pas viable hors de la vir­ginité, LE DERNIER DRAGON serait peut-être le dernier film de kung-fu.

Un garçon arrive presque au niveau suprême de son art ; il est doux et paci­fique, et lancé dans la vie par son Maître qui lui dit qu’il décou­vri­ra seul le degré suprême. Ce garçon va se trou­ver face à deux enne­mis : le pre­mier, le prin­ci­pal, est son rival tech­nique en art mar­tial, mais cru­el et van­i­teux ; le sec­ond est un méchant de bande dess­inée, auquel il s’op­posera à cause d’une chanteuse de var­iétés. Il bat­tra d’abord les sbires de celui-ci, puis écrasera son rival, parce que le kung-fu n’est pas un art de méchants. Et, tout à la fin, il tri­om­phera même du pire adver­saire du kung-fu-man : l’arme à feu. Si on ne donne ni le lieu où elle se déroule, ni la race des pro­tag­o­nistes, ni leurs car­ac­tères, ni le ton avec lequel on racon­te cela, l’his­toire est un peu le pro­to­type des his­toires des films de kung-fu. Et puis arrive l’é­trangeté.

« For­tune cook­ie and Choco­late cook­ie ».

Leroy Green, le héros, a la peau noire et les cheveux cré­pus ; ce pour­rait être donc le pre­mier bon film de kung-fu noir. Une bonne par­tie de l’aven­ture se déroulant à Chi­na­town, à New-York, on aurait pu se trou­ver devant un scé­nario bien équili­bré pour plaire aux Noirs et aux Chi­nois. LE DERNIER DRAGON, d’ailleurs, plaît aux Noirs et aux Chi­nois. Mais pas à cause de l’équili­bre.

Leroy Green, héros noir admi­ra­teur d’un héros chi­nois, tran­quille­ment, sans vio­lence, sans raison­nement, mais absolu- ment, rejette l’im­age du Noir ; il s’ha­bille d’une tunique de soie, mange avec des baguettes et salue par une révérence en joignant les mains. De leur côté, les habi­tants de Chi­na­town par­lent anglais avec l’ac­cent de Harlem, dansent dans la rue sur la musique funky, et s’ap­pel­lent « Broth­er » en se tapant sur les mains.

La con­fu­sion est totale lorsque Leroy se « déguise » en Noir pour s’in­tro­duire chez les Chi­nois. Plus per­son­ne ne ressem­ble à rien, on mélange tout, et quand on demande à Leroy de jouer aux dés « comme les frères de Harlem », il joue à la marelle, et on s’é­tonne à peine.

Le puceau, le petit frère et le vendeur de piz­zas.

Leroy a un petit frère qui a honte de lui ; il le traite de « For­tune cook­ie », de petit gâteau chi­nois. Il se moque de la vir­ginité de son aîné — vir­ginité que Leroy parvien­dra à garder, comme le film lui-même, jusqu’au bout de l’aven­ture, et c’est un tour de force autant pour lui que pour le film. Le petit frère s’ha­bille comme un black­ie, drague les filles comme s’il était aus­si grand qu’elles, et explique à son frère qu’il serait temps pour lui d’ap­pren­dre com­ment on fait.

Dans une cou­vée de poule, le canard est tou­jours le petit dernier, auquel)e père répète : ressem­ble à ton aîné, comme pour Cal dans A L’EST D’EDEN.Dans cette cou­vée-ci, l’anor­mal se trou­ve être l’aîné, et il sem­blerait naturel de lui dire : regarde ton petit frère, essaie de faire comme lui. Le petit frère, d’ailleurs, ne s’en prive pas. Quant au père, lui, il ne dit rien et ne peut rien dire, ni à l’un, ni à l’autre : il n’est, lui, ni Chi­nois, ni de Harlem ; habil­lé aux couleurs ital­i­ennes, il vend des piz­zas avec un accent du Sud. Dans toute cette bizarrerie, à quelle racine mys­térieuse Leroy doit-il sa sérénité ?

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