Une audacieuse candeur À propos de « Road » de Jim Cartwright

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Une audacieuse candeur À propos de « Road » de Jim Cartwright

Le 1 Juil 1999
Arnaud Appecleris, Jérémie Oler, Cécile O'Cavin er Ariane Privar clans ROAD de Jim Cartwright, mise en scène Olivier Forgues.
Arnaud Appecleris, Jérémie Oler, Cécile O'Cavin er Ariane Privar clans ROAD de Jim Cartwright, mise en scène Olivier Forgues.
Arnaud Appecleris, Jérémie Oler, Cécile O'Cavin er Ariane Privar clans ROAD de Jim Cartwright, mise en scène Olivier Forgues.
Arnaud Appecleris, Jérémie Oler, Cécile O'Cavin er Ariane Privar clans ROAD de Jim Cartwright, mise en scène Olivier Forgues.
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EN DÉCOUVRANT ROAD de Jim Cartwright, il y a sept ans, j’é­tais loin d’imag­in­er la pro­fonde richesse de cet univers. La qual­ité de son human­isme, la grande diver­sité de sa langue, la force théâ­trale des sit­u­a­tions, le foi­son­nement de per­son­nages, la lib­erté con­stante de ton, l’hu­mour féroce et une can­deur auda­cieuse font de ROAD une pièce pas­sion­nante et boulever­sante.

Notre guide d’un soir se prénomme Scullery1. Il nous accueille dans le noir utérin, craque une allumette qui — comme pour la petite marchande d’An­der­sen — enclenche un mirage. Il est le deus ex machi­na de cette nuit, le maître des machines d’une soirée stupé­fi­ante. En magi­cien déglin­gué, en Pros­pero du pau­vre, il met en marche la machine à rêver, la machine à jouer. Le rhum aidant, il se lais­sera débor­der à par­tir de l’en­tracte et fini­ra la nuit — tel le vieux servi­teur de LA CERISAIE- épuisé, aban­don­né, lové au cœur d’une fos­se béante lais­sant fil­tr­er la lumière dif­fuse du jour, s’en­dor­mant comme un bébé dans le cocon mater­nel, au son d’une berceuse de boîte à musique, seul ves­tige d’une vie qui se passe comme dans un rêve.

La con­cep­tion de la pièce est très ciné­matographique (une soix­an­taine de scènes, une trentaine de rôles). Scullery nous fait décou­vrir des per­son­nages qui doivent appren­dre à sur­mon­ter leurs peurs, leurs angoiss­es matérielles ou exis­ten­tielles pour éviter la noy­ade, et se sor­tir de la tem­pête. Ils trompent leur ennui et leurs effrois dans l’al­cool ou le sexe. Cartwright abor­de de front une sex­u­al­ité com­pul­sive, sans fausse pudeur, avec sim­plic­ité et cru­dité. Il décrit un besoin effréné de con­tact physique, une démarche névro­tique sou­vent entachée d’un sen­ti­ment irré­para­ble de honte enfan­tine, de souil­lure.

ROAD pour­rait sem­bler n’être qu’une pièce dépres­sive, un énième cru­el por­trait de société. Elle est d’ailleurs sou­vent perçue en Angleterre comme l’é­tat des lieux d’un pays meur­tri. Elle nous donne pour­tant une éton­nante leçon de vie. Elle traite la mis­ère du monde comme un sac que l’on envoie valdinguer. Son univers bigar­ré, sa poésie pop­u­laire et noc­turne con­tribuent à faire de cette nuit, un Songe mod­erne où le spec­ta­teur est mis dans la posi­tion d’un promeneur soli­taire qui prend le temps d’être à l’é­coute de la ville.

Le pub­lic doit se laiss­er emporter par la magie des appari­tions et des dis­pari­tions, par le tour­bil­lon des nom­breux per­son­nages, par le mélange des gen­res. Une rêver­ie, certes tra­ver­sée d’an­goiss­es cauchemardesques et de bru­tal­ité con­vul­sive, mais une rêver­ie han­tée par la mélan­col­ie des berceuses enfan­tines, la nos­tal­gie des vieux tubes de der­rière les fagots. Les comptines du vieil Oncle Dis­ney (« Quand on prie la bonne étoile ») sont récupérées avec déri­sion, et détournées à la manière des songs d’un opéra de quac’­soupirs. Scullery valse et pousse sa goualante à la fée bleue, sous la voûte céleste, hurle à la lune, une bouteille de rhum à la main. Héros d’une odyssée éthylique, il crie sa soli­tude comme dans les tableaux de Fran­cis Bacon.

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Jim Cartwright
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Écrit par Olivier Forgues
Olivi­er Forgues est comé­di­en et met­teur en scène. En sep­tem­bre 1998, il monte ROAD de Jim Cartwright au...Plus d'info
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mai 2025

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