Mettre le spectacteur à la gêne

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Mettre le spectacteur à la gêne

Entretien avec Bernard Sobel

Le 24 Avr 2004
Michel Bompoil et Denis Lavant lors d’une répétition de UN HOMME EST UN HOMME de Bertolt Brecht, mise en scène de Bernard Sobel, 2004. Photo Bellamy.
Michel Bompoil et Denis Lavant lors d’une répétition de UN HOMME EST UN HOMME de Bertolt Brecht, mise en scène de Bernard Sobel, 2004. Photo Bellamy.
Michel Bompoil et Denis Lavant lors d’une répétition de UN HOMME EST UN HOMME de Bertolt Brecht, mise en scène de Bernard Sobel, 2004. Photo Bellamy.
Michel Bompoil et Denis Lavant lors d’une répétition de UN HOMME EST UN HOMME de Bertolt Brecht, mise en scène de Bernard Sobel, 2004. Photo Bellamy.
Article publié pour le numéro
Théâtre à Berlin-Couverture du Numéro 82 d'Alternatives ThéâtralesThéâtre à Berlin-Couverture du Numéro 82 d'Alternatives Théâtrales
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BERNARD Debroux : Le théâtre alle­mand est-il encore une référence ? Dans son con­tenu mais surtout dans sa manière de con­cevoir la place du théâtre dans l’espace social ? 

Bernard Sobel : On pour­rait se pos­er la ques­tion de la manière suiv­ante. Pourquoi avons-nous, nous Français, besoin d’Achtenbusch, de Brecht, de Thomas Bern­hardt, de Peter Hand­ke, de Man­fred Karge, etc.? Pourquoi avons-nous besoin de ces poètes ? Nous n’en avons pas besoin parce que ce sont des auteurs de théâtre alle­mands, nous en avons besoin parce que leurs poèmes et ceux de Lenz, de Büch­n­er ou de Kleist nous aident à com­pren­dre ce que nous faisons. On pour­rait d’ailleurs aus­si se deman­der, en retour, pourquoi l’Allemagne – après Diderot, le vrai père d’un cer­tain théâtre alle­mand – n’a pas besoin du théâtre français. En dehors des clas­siques ( Racine, Molière…), il n’y a pas beau­coup de poètes français joués sur les scènes alle­man­des.

Je pour­rais aus­si vous répon­dre d’une autre façon, apparem­ment para­doxale. Hier, je me suis promené dans Berlin, le Berlin dans lequel j’ai vécu il y a déjà bien longtemps. Il y avait une immense man­i­fes­ta­tion avec des dra­peaux rouges. Cela fai­sait des années que je n’étais pas venu à Berlin. Il y a aujourd’hui une stat­ue de Brecht en face du Berlin­er Ensem­ble, la mai­son dans laque­lle j’ai tra­vail­lé pen­dant cinq ou six ans. On y jouait hier LA MÈRE,dans une mise en scène de Klaus Pey­man.

Et le soir, j’ai vu le tra­vail de Frank Cas­torf sur le texte de Boul­gakov, LE MAÎTRE ET MARGUERITE. En arrivant, j’ai vu inscrit sur la façade du théâtre Volks­bühne( Théâtre du peu­ple) et en haut sur le toit, vis­i­ble de loin, en let­tres de néon bleu, Ost( Est). Moi, le com­mu­niste, je me bal­adais dans un pays dis­paru, un pays fan­tôme. C’est de ce mélange que je peux par­ler. Je n’ai pas une vue théorique des choses. Cas­torf dit : « Je suis dés­espéré. Main­tenant il n’y a plus que l’individu qui m’intéresse », mais en même temps il affirme quelque chose d’autre avec cet Osten let­tres de néon. Je pense que ce qui le meut, c’est d’être un enfant de cet Ost, la RDA, et que le fait d’y avoir vécu l’habite com­plète­ment. Et ce pays dis­paru est aus­si, tou­jours, notre paysage à nous, hommes de théâtre, dans notre rêve, notre désir d’être utiles. Et ces mil­liers de dra­peaux rouges, bran­dis dans un Berlin libéré de la Stasi et de l’univers total­i­taire du com­mu­nisme, dis­aient au gou­verne­ment social-démoc­rate : « Comme ça, ça ne va pas ! » Et j’entendais le gou­verne­ment répon­dre : « Ça ne va pas, mais on ne sait pas com­ment faire autrement. » C’est comme ça que je peux par­ler du théâtre alle­mand.

Je reli­sais un texte de Diderot adressé aux poètes dra­ma­tiques : «[…] l’applaudissement vrai que vous devez vous pro­pos­er d’obtenir, ce n’est pas ce bat­te­ment de mains qui se fait enten­dre subite­ment après un vers écla­tant, mais ce soupir pro­fond qui part de l’âme après la con­trainte d’un long silence, et qui la soulage. Il est une impres­sion plus vio­lente encore, et que vous con­cevrez, si vous êtes nés pour votre art et si vous en pressen­tez toute la magie : c’est de met­tre un peu­ple comme à la gêne.

Alors les esprits seront trou­blés, incer­tains, flot­tants, éper­dus ; et vos spec­ta­teurs, tels que ceux qui, dans les trem­ble­ments d’une par­tie du globe, voient les murs de leurs maisons vac­iller, et sen­tent la terre se dérober sous leurs pieds. » Pour moi, le théâtre alle­mand, c’est ça.

Je crois que si les poètes alle­mands nous ont été utiles, si nous en avons eu besoin, c’est parce qu’être alle­mand n’était, n’est pas évi­dent pour un Alle­mand. Ce n’est pas évi­dent dans un pays qui a con­nu l’hitlé- risme, un régime total­i­taire mais accep­té par 99 % de la pop­u­la­tion. Même aujourd’hui, j’ai l’impression que pour beau­coup d’Allemands, le passé de la RDA leur inspire plus de honte que le passé nazi. Le nazisme était en quelque sorte con­sub­stantiel à l’Allemagne, ce n’était pas arti­fi­ciel, non alle­mand. L’expérience du social­isme, elle, n’était pas alle­mande. Ce n’est pas facile d’exister comme sujet, comme indi­vidu alle­mand. Il faut assumer beau­coup. Pour nous, l’existence d’un Papon, ce n’est pas vrai­ment un prob­lème, parce que nous n’avons pas à l’assumer per­son­nelle­ment. Mais pour des Alle­mands, c’est très dif­férent, compte tenu de ce qui est arrivé chez eux à l’espèce, et, du coup, à ce que ça veut dire être un être humain en Occi­dent, dans la ratio­nal­ité. Ils n’ont pas cessé d’être choqués. « Suis-je le fils d’un épou­vantable tor­tion­naire, ou suis-je le fils d’Heiner Müller ? »

Nous n’avons pas, nous, ce genre d’interrogation.

En voy­ant tous ces dra­peaux rouges, je me posais la ques­tion, tou­jours la même, celle posée déjà par le roi Lear quand il est dans la lande et décou­vre que dans son roy­aume il y a des chômeurs. À un moment où en France, avec les « fins de droits », 265 000 per­son­nes sont déclarées sociale­ment inutiles.

Dans le spec­ta­cle de Cas­torf, une phrase m’a par­ticu- lière­ment frap­pé : « I want to believe » (« Je veux croire »).

Je crois que tous les poèmes du théâtre alle­mand sont là pour dire : il ne faut surtout pas croire, parce que com­mencer à croire, c’est déjà le début de la cat­a­stro­phe.

B. D. : Que pensez-vous de cette idée du col­lec­tif qu’il y a dans le théâtre alle­mand ? Est-ce une illu­sion, est-ce une vraie pra­tique ? En France, le théâtre est fort l’affaire du met­teur en scène, affaire indi­vidu­elle en quelque sorte.

B. S. : Je pense que c’est une fausse ques­tion. De quoi par­le-t-on quand on par­le d’individus et de col­lec­tif ?

Est-ce que L’ENCYCLOPÉDIE est une œuvre col­lec­tive ou est-ce l’œuvre de Diderot ? Le tal­ent de Diderot a per­mis à d’autres tal­ents de se dévelop­per. L’art de faire fonc­tion­ner un col­lec­tif, c’est-à-dire l’art d’amener des indi­vidus au max­i­mum de leur expres­sion et de les faire tra­vailler ensem­ble, peut être le tal­ent de quelqu’un qui n’est pas capa­ble de faire autre chose. C’est une ques­tion de man­age­ment. Le grand chef d’équipe, c’est celui qui sait se ren­dre « dis­pens­able ». C’est le besoin qui fait que j’ai besoin de l’autre. Il faut donc que je fasse preuve de cour­toisie, que l’on puisse échang­er, que cha­cun s’y retrou­ve. Met­tre en scène n’est pas un méti­er. Je peux le faire sans pos­séder aucune tech­nique. Être acteur, cin­tri­er, maquilleur, c’est un méti­er. Un met­teur en scène a besoin de la tech­nique des autres pour pou­voir expéri­menter ; il peut, lui, ne pas en avoir du tout. Je crois même pro­fondé­ment qu’un met­teur en scène est mort à par­tir du moment où il a un savoir-faire. Il est celui qui peut faire un bon usage de la tech­nique des autres et les faire avancer dans leur pro­pre tech­nique. Partout, bien sûr, se greffe la ques­tion du pou­voir, des rap­ports de pou­voir. On peut met­tre le nom de col­lec­tif là-dessus, si l’on veut…

Michel Bompoil et Denis Lavant lors d’une répétition de UN HOMME EST UN HOMME de Bertolt Brecht, mise en scène de Bernard Sobel, 2004. Photo Bellamy.
Michel Bom­poil et Denis Lavant lors d’une répéti­tion de UN HOMME EST UN HOMME de Bertolt Brecht, mise en scène de Bernard Sobel, 2004. Pho­to Bel­lamy.

B. D. : Je voudrais revenir à la ques­tion de la respon- sabil­ité sociale du théâtre. Ne ressent-on pas d’avantage en Alle­magne à la fois cette respon­s­abil­ité des autorités publiques par rap­port aux insti­tu­tions affir­mant l’impor- tance pour une ville d’avoir un théâtre qui a un rôle à jouer dans l’espace social et celle des respon­s­ables de théâtre qui se sen­tent investis d’une fonc­tion sociale, con­va­in­cus que la fonc­tion artis­tique est intime­ment liée à la fonc­tion sociale ? 

B. S. : Je pense que la com­para­i­son avec le théâtre alle­mand per­met sim­ple­ment un effet d’étrangeté. Elle per­met un regard dif­férent sur le théâtre français, sur la fameuse excep­tion cul­turelle. La France souf­fre de jacobin­isme. Vous pou­vez être un acteur à Düs­sel­dorf, à Leipzig, à Hanovre, à Dessau, ou à Cologne. Les out­ils de tra­vail sont là, qui appar­ti­en­nent à la tra­di­tion alle­mande, parce que l’unité du ter­ri­toire a été réal­isée tar­di­ve­ment. La plu­part des grandes villes d’Allemagne étaient les cap­i­tales d’un État et avaient leur théâtre. Le théâtre était un ser­vice pub­lic. Et il le reste. Le théâtre de Gen­nevil­liers, lui, pour pren­dre un exem­ple con­cret, existe parce qu’un jour je me suis dit avec quelques autres : « On va aller tra­vailler là-bas. » Il ne faut pas racon­ter et se racon­ter d’histoires. Ce qui était pre­mier, c’était notre désir de faire du théâtre. L’engagement poli­tique, une réflex­ion sur la fonc­tion sociale des pra­tiques artis­tiques avaient peut-être leur place dans ce désir, mais il ne faut pas met­tre la fonc­tion sociale avant le désir. Après coup, on peut se dire que ce désir trou­ve une expres­sion plus pro­fonde et plus riche dans le fait que d’autres vont avoir besoin de ce que ce désir peut pro­duire. Naturelle­ment, le besoin qu’ont les autres de ce désir va chang­er la nature du désir. C’est comme dans un rap­port chim­ique.

Mais il aurait très bien pu ne pas y avoir de Théâtre de Gen­nevil­liers. Par con­tre, si Cas­torf n’était pas là, il y en aurait un autre à sa place. Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’il ferait le même tra­vail, mais il pré­tendrait à la même néces­sité.

Là se pose la ques­tion du ser­vice pub­lic. Cas­torf touche de l’argent pour ren­dre des ser­vices. Il doit présen- ter 24 spec­ta­cles par an par­mi lesquels des opérettes, des spec­ta­cles de danse, du théâtre de boule­vard, de stu­dio, etc. Quoi qu’il en soit, il faut qu’il y en ait 24. Peut-être qu’à l’intérieur de ce cadre, par chance, un génie se man­i­festera. L’outil est là pour pro­duire 24 spec­ta­cles par an, et c’est ce qu’on est en droit d’exiger de lui, en tant que respon­s­able de l’outil. Après, à Cas­torf et aux artistes de se débrouiller pour pou­voir éventuelle­ment exprimer leur génie. Cas­torf réus­sit à dire : « La Volks­bühne, c’est l’expression de Cas­torf. »

Et il va met­tre en œuvre tous les moyens pour ça.

B. D. : Est-ce qu’en France on ne conçoit pas qu’un théâtre est d’abord l’expression d’un indi­vidu alors qu’en Alle­magne on est plus atten­tif à la fonc­tion sociale du théâtre ? 

B. S. : Je suis très recon­nais­sant aux hasards qui ont fait que Cas­torf ait pu aller au bout de son expéri­ence, mais ce n’est pas la car­ac­téris­tique du sys­tème. Le ser­vice pub­lic sup­pose que l’on fasse du ser­vice pub­lic. Vous pou­vez faire, aus­si, éventuelle­ment, de la recherche dans un hôpi­tal pub­lic, mais ce n’est pas cela le ser­vice pub­lic de l’hôpital. Ce sont rarement les deux choses en même temps. Un grand inten­dant est celui qui donne nais­sance à d’autres. D’ailleurs, ce pour­rait être une manière de faire le bilan de son action que de se deman­der :

« À qui, à quoi ai-je don­né nais­sance ? » Repér­er un jeune artiste et lui per­me­t­tre de se révéler au moment où il est mûr pour ça, c’est une respon­s­abil­ité, à la fois éminem- ment sociale et éminem­ment indi­vidu­elle, puisque vous devez avoir le « nez » de vous dire : « Ce gars-là va faire des choses impor­tantes. » Le pro­fondé­ment indi­vidu­el et le pro­fondé­ment col­lec­tif ne sont pas sépara­bles.

Vous devez accepter que l’artiste, pour être éminem­ment social, soit au ser­vice de son indi­vid­u­al­ité.

B. D. : Vous pré­parez pour l’instant HOMME POUR HOMME…

B. S. : Il faut traduire UN HOMME EST UN HOMME, pas HOMME POUR HOMME. Il ne s’agit pas d’une sub­sti­tu­tion, mais d’une trans­for­ma­tion. La tra­duc­tion anci­enne induit en erreur. UN HOMME EST UN HOMME est au cen­tre de tout ce dont nous venons de par­ler. Ce poème se trou­ve à un croise­ment où, après les mas­sacres de masse de la guerre 1914 – 1918, la ques­tion de l’individu et du col­lec­tif se trou­ve posée de nou­veau, naturelle­ment et de façon para­doxale. Aux poli­tiques, bien sûr, mais aus­si aux philosophes et aux artistes. La rup­ture est d’une telle vio­lence qu’on ne peut plus se pos­er la ques­tion du « moi » comme on se la posait avant. Tout l’humanisme clas­sique a volé en éclats. Si donc on se situe dans la courte durée, on ne peut pas bien par­ler d’UN HOMME EST UN HOMME. C’est comme Shake­speare, au moment de l’explosion des struc­tures de la société médié­vale européenne dans laque­lle la place de l’individu dans le monde était jusqu’alors fixée pré­cisé­ment par le rôle joué dans l’organisation sociale : guer­ri­er, prêtre, paysan ; laïc ou clerc. D’un seul coup – on n’a pas appelé ça par hasard la Renais­sance – l’élargissement de l’univers géo­graphique, physique et intel­lectuel opère une rup­ture extra­or­di­naire, qui fait que se posent cette série de ques­tions : qui est-on, où est-on, à quoi sert-on ? Si on se situe dans la longue durée, j’ai l’impression de tra­vailler sur un poème inin­ter­rompu. De Mar­lowe à Beck­ett, il s’agit tou­jours du poème de l’homme occi­den­tal. Qu’est-ce que j’entends dans Beck­ett ? ( C’est aus­si une manière de par­ler d’UN HOMME EST UN HOMME ).

J’entends le silence. Qu’est-ce que c’est que ce silence ? C’est Auschwitz. Ce sont les mil­lions de morts qui n’ont pas eu droit à la parole. Comme au sor­tir des tranchées de 14 – 18. Dans UN HOMME EST UN HOMME, j’entends le silence du Sol­dat incon­nu. Et en même temps, à l’horizon com­mence une ten­ta­tive pour sor­tir du cer­cle infer­nal, dia­bolique où l’humanité sem­ble s’être piégée. Si des indi­vidus peu­vent être tués en masse, qu’est-ce que cela peut encore sig­ni­fi­er être un indi­vidu ? Ne faut-il pas chercher d’autres voies, puisque les anci­ennes ont con­duit à une telle « inhu­man­ité » ? La nais­sance de cette ques­tion, on la sent chez Rim­baud : 

« Le dra­peau va au paysage immonde et notre patois étouffe le tam­bour.

Aux cen­tres nous ali­menterons la plus cynique pros­ti­tu­tion. Nous mas­sacrerons les révoltes logiques.

Aux pays poivrés et détrem­pés ! – au ser­vice des plus mon­strueuses exploita­tions indus­trielles ou mil­i­taires.

Au revoir ici, n’importe où. Con­scrits du bon vouloir nous aurons la philoso­phie féroce ; igno­rants pour la sci­ence, roués pour le con­fort ; la crevai­son pour le monde qui va. C’est la vraie marche. En avant, route ! »

À cette cita­tion des ILLUMINATIONS, je voudrais ajouter cette note de Brecht en 1938 : « La foi de la classe pro­lé­tari­enne en sa vic­toire finale me plaît beau­coup.

Sa foi, par là étroite­ment liée à tant d’autres choses qu’on leur dit, me trou­ble, il est vrai. » Mais dès 1918, Brecht écrivait à un ami : « Il est pos­si­ble que la ter­reur réside au cen­tre. Il est pos­si­ble que ce con­cept de « total­ité » qui ne cesse de resur­gir dans tous les dis­cours comme une chose qui a existé, qui a dis­paru et dont il faudrait qu’elle revi­enne, doive subir la trans­for­ma­tion cen­trale.

Si l’homme des mass­es est un mythe, nous nous en tenons à ce mythe. Il n’y a alors pas d’individu qui repro­duise l’humanité. Il n’y a alors pas de total­ité pour cet indi­vidu, mais seule­ment pour l’homme des mass­es… Le sen­ti­ment de bon­heur ne pour­rait se man­i­fester que dans la masse, la masse serait donc néces­saire, l’individu pour­rait donc sans dom­mage pouss­er son indi­vid­u­al­i­sa­tion jusqu’à l’extrême. Si l’on pou­vait penser à fond cette idée, cela aurait peut-être des con­séquences. » 

Au moment où, avec le social­isme, on va faire l’expé- rience du Tout pour l’Homme, avec l’espérance vient la chair de poule. Mais vient aus­si le moment de s’engager ou de ne pas s’engager. C’est la ques­tion à laque­lle ont été con­fron­tés tous les fils des tranchées, que ce soit Brecht, Got­fried Benn ou Louis Aragon. La dernière phrase d’UN HOMME EST UN HOMME est : « Il va tous nous décapiter. » Je pense que Brecht par­le là par rap­port à l’expérience en cours dans la jeune URSS. Il est à un moment de son engage­ment où il n’a pas encore les cer­ti­tudes qu’il aura plus tard, il sent seule­ment et il cherche, sans auto­cen­sure. Et il ne vari­era jamais sur le car­ac­tère posi­tif, mal­grétout, de la capac­ité de son héros à chang­er, à se trans­former, quel que soit le résul­tat de la méta­mor­phose. « Je suis dés­espéré, dit Cas­torf, il n’y a plus que l’individu qui m’intéresse. » Et puis il y a la masse, les 500 000 Berli­nois qui défi­laient hier…

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Bernard Sobel
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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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