Le théâtre n’a pas de sexe

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Réflexion

Le théâtre n’a pas de sexe

Le 25 Jan 2007

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Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 92 ) Le corps travesti
92

LE THÉÂTRE n’a pas de sexe, la langue française n’a pas de genre neu­tre et l’art de l’acteur est de ren­dre l’absence présente au réel. C’est dans cette tri­an­gu­la­tion que se situe la scène du corps trav­es­ti. Mais com­mençons par les com­mence­ments. Si le trav­es­tisse­ment est l’art de se trans­former par le vête­ment, corps trav­es­ti et théâtre sont une tau­tolo­gie. Le cos­tume, en effet, autant que le texte, a longtemps suf­fi à faire l’art théâ­tral. Ain­si, au XVI­I­Ie siè­cle, l’expression « établir le cos­tume » sig­nifi­ait non seule­ment com­pos­er le cos­tume de scène mais définir le rôle, le per­son­nage. Avec les muta­tions observées sur la scène con­tem­po­raine, cos­tumes et per­son­nages méri­tent prob­a­ble­ment une nou­velle déf­i­ni­tion, mais il reste vrai que le trav­es­tisse­ment est « l’art théâ­tral par excel­lence », selon l’expression de Georges Banu. Néces­sité morale chez Shake­speare puisque les femmes étaient inter­dites de scène, le trav­es­tisse­ment devient chez Mari­vaux un ressort dra­maturgique, à la dif­férence que ce sont les femmes qui se trav­es­tis­sent en hommes. Dans un siè­cle où le trav­es­tisse­ment est puni par la loi, la scène va en jouer ver­tig­ineuse­ment, jusqu’à « fab­ri­quer », avec les cas­trats, des êtres au sexe indéfi­ni. Le trav­es­ti au sens mod­erne du terme devient sujet chez Jean Genet. Les grandes actri­ces, de Sarah Bern­hard à Isabelle Hup­pert, ajoutent à leur réper­toire des rôles mas­culins. Mais sur scène, comme dans la vie, le corps trav­es­ti n’est pas seule­ment un sim­ple procédé artis­tique : la loi et les mœurs ne sont jamais bien loin quand on par­le du trav­es­tisse­ment, et son objet dernier est tou­jours de sub­ver­tir l’ordre établi. Longtemps, le trav­es­tisse­ment a con­cerné les femmes, pour qui l’habit mas­culin deve­nait le sym­bole de l’accès à l’égalité entre les deux sex­es. La femme se rêve homme et jamais l’homme ne se rêve femme dis­ait, en sub­stance, Kant. Voilà un pos­tu­lat faux désor­mais. Depuis les années 70 est apparu un cas de fig­ure si récur­rent qu’il devient un lieu com­mun : le corps mas­culin trav­es­ti volon­taire­ment en femme. La prob­lé­ma­tique fémin­iste n’est pas pour autant annulée ; elle trou­ve même une vigueur nou­velle à tra­vers son inver­sion, l’émergence d’une con­science gay. La fig­ure du trav­es­ti sur les scènes est mon­tée en puis­sance dans le sil­lon creusé par les révo­lu­tions sex­uelles, et les com­bats fémin­istes puis homo­sex­uels jusqu’à leurs man­i­fes­ta­tions les plus rad­i­cales telles qu’elles se dévelop­pent aux États-Unis. L’apport de la danse, la pul­véri­sa­tion des codes dra­maturgiques et scéniques avec, en par­ti­c­uli­er, la dis­pari­tion du per­son­nage en tant qu’entité réal­iste et psy­chologique, la fin du pri­mat du texte, l’avènement du corps comme enjeu social, ont aus­si apporté leur con­tri­bu­tion.

Loin d’être une notion anec­do­tique, le corps trav­es­ti se situe ain­si au croise­ment d’une prob­lé­ma­tique sociale, psy­chique, artis­tique, esthé­tique, poli­tique et lin­guis­tique, et elle se résout dans la tri­an­gu­la­tion qui sert de prémisse à cet essai. Le spec­ta­cle FAIRY QUEEN mis enscène par Ludovic Lagarde au Fes­ti­val d’Avignon 2004, sur un texte d’Olivier Cadiot, est un mod­èle d’illustration de la prob­lé­ma­tique. Le témoignage de Gus­ta­vo Gia­cosa, acteur dans la troupe de Pip­po Del­bono, est égale­ment très pré­cieux. FAIRY QUEEN 1 est le troisième opus (le terme musi­cal n’est pas for­tu­it), après LE COLONEL DES ZOUAVES et RETOUR DURABLE ET DÉFINITIF DE L’ÊTRE AIMÉ, réal­isé par le duo Olivi­er Cadiot et Ludovic Lagarde. Dans FAIRY QUEEN en par­ti­c­uli­er, il y a comme un effet de dédou­ble­ment du per­son­nage sans que les fron­tières soient bien sig­nifiées entre les dif­férentes voix « par­lantes ». Briève­ment et par con­séquent approx­i­ma­tive­ment– l’objectif n’étant pas ici d’analyser en pro­fondeur la poé­tique d’Olivier Cadiot –, on peut qual­i­fi­er son écri­t­ure de mod­erne ou de post-dra­ma­tique ; on peut même sup­pos­er qu’au temps de Gertrude Stein, fig­ure cen­trale de FAIRY QUEEN, Olivi­er Cadiot aurait fait par­tie de l’avant-garde. Tous deux ont en com­mun d’être des chercheurs de la plas­tic­ité de la langue. FAIRY QUEEN racon­te l’histoire d’une fée con­tem­po­raine qui remonte le temps pour répon­dre à une invi­ta­tion à déje­uner de la célèbre améri­caine. Après une longue errance en ape­san­teur, elle atter­rit dans le salon du 27 rue Fleu­rus où elle est reçue par Alice Tok­las, autre per­son­nage his­torique qui fut la secré­taire, gou­ver­nante et com­pagne de Gertrude Stein. Il con­vient, pour la clarté du pro­pos, de rap­pel­er quelques élé­ments suc­cincts de la biogra­phie de Gertrude Stein. Née en Penn­syl­vanie en 1874, émi­grée à Paris en 1906 où elle mou­rut en 1943, écrivain et ama­teur d’art mod­erne, elle fit de son salon le lieu de ren­con­tre de tous les pein­tres et écrivains de l’époque, de Picas­so à Hem­ing­way. Elle a lais­sé une œuvre lit­téraire qual­i­fiée de « cubiste » où elle expéri­mente une « répéti­tiv­ité » qui n’est pas sans évo­quer la musique com­posée sur le même procédé. Ses dîn­ers fes­tifs et artis­tiques, où chaque invité se voy­ait attribuer un rôle à tra­vers le nom d’un homme illus­tre, étaient très prisés. Gertrude Stein vivait une rela­tion homo­sex­uelle avec Alice Tok­las. Dans la mise en scène de Ludovic Lagarde, la fée, per­son­nage de pure fic­tion, est inter­prétée par Valérie Dash­wood, et les deux per­son­nages his­toriques, Getrude Stein et Alice Tok­las, respec­tive­ment par Philippe Duquesne et Lau­rent Poitre­naux. Par­mi les com­bi­naisons pos­si­bles dans le jeu masculin/féminin, per­son­nage de pure fan­taisie — mod­èle réel, pourquoi ce choix-là ? Ludovic Lagarde avoue n’avoir été guidé par aucune inten­tion par­ti­c­ulière et explique : « Le texte FAIRY QUEEN m’a été livré par Olivi­er Cadiot pen­dant que l’on jouait RETOUR DURABLE ET DEFINITIF DE L’ETRE AIME. D’emblée s’est imposée l’idée qu’il était des­tiné au trio de comé­di­ens qui était alors sur scène. De plus, RETOUR DURABLE ET DÉFINITIF DE L’ÊTRE AIMÉ se ter­mine par un solo vocal féminin ; la parole de la fée est comme le pro­longe­ment de ce solo. Valérie Dash­wood deve­nait de fait la fée et, par con­séquent, les deux autres rôles reve­naient à Lau­rent Poitre­naux et à Philippe Duquesne. »

Pour les deux comé­di­ens, il y eut la même évi­dence d’ordre pure­ment con­jonc­turel, con­fortée par des simil­i­tudes mor­phologiques entre les acteurs et les mod­èles pho­tographiques. Enfin, dit Lau­rent Poitre­naux, le trav­es­tisse­ment était d’autant plus jus­ti­fié que « nous savions que le rap­port au réal­isme, la crédi­bil­ité ne seraient pas un vecteur de tra­vail. » Dans un con­texte de coïn­ci­dences si frap­pantes, ce dernier argu­ment, faisant du trav­es­tisse­ment un levi­er pour sub­ver­tir le réal­isme, voire la réal­ité, me sem­ble plus sig­ni­fi­catif que le pur caprice du hasard. Aux par­al­lélismes et/ou inver­sions déjà cités relat­ifs aux car­ac­tères des « per­son­nages » et à leur dis­tri­b­u­tion, s’ajoute la référence shake­speari­enne. Car si dans la lec­ture on con­voque ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, dès le titre s’impose LE SONGE D’UNE NUIT D’ETE. Dans la féerie shake­speari­enne, le trav­es­tisse­ment per­met à l’inconscient d’avancer démasqué ; les sex­es s’entremêlent, l’érotisme tri­om­phe à tra­vers les fan­tasmes les plus inavouables, l’ordre sex­uel, social et moral est bous­culé. À quels jeux s’adonnait Gertrude Stein dans son salon, lorsqu’elle organ­i­sait ses soirées mondaines où chaque invité était dis­tribué dans le rôle d’un homme illus­tre ? Sans doute étaient-ils plus inno­cents, mais il y a quelque simil­i­tude dans cette façon de jeter le trou­ble dans les iden­tités. Ajou­tons à cet état de con­fu­sion et de références qui cir­cu­lent entre la réal­ité et la lit­téra­ture, entre la fic­tion et l’histoire, que le texte d’Olivier Cadiot se présente comme un long mono­logue, écrit à la pre­mière per­son­ne, qui épin­gle avec humour et ironie l’art mod­erne. Ne faut-il pas voir dans ce « je » qui s’avance masqué en fée l’auteur lui-même ? Citons enfin un dernier détail : le corps est prob­a­ble­ment le terme qui a la plus grande occur­rence dans FAIRY QUEEN, l’action prin­ci­pale de la fée étant de réalis­er des per­for­mances « avec des choré­gra­phies de corps ». En résumé, la propo­si­tion théâ­trale dans son inté­gral­ité affiche une redon­dance, une sat­u­ra­tion de signes ou, au con­traire, cachés, placés sous le signe de l’excès. Excès, sat­u­ra­tion, redon­dance, qui sont les car­ac­tères de l’esthétique baroque et de l’hystérie. Le corps trav­es­ti et son rap­port avec l’inconscient devi­en­nent pour ain­si dire le sujet même de FAIRY QUEEN.

Je ne suis pas là où je pense, je suis là où je par­le

Jacques Lacan

Une fois l’enjeu accep­té, com­ment s’y prend-on lorsqu’on est un homme pour inter­préter un per­son­nage féminin, même si on n’adopte pas un code théâ­tral réal­iste ? À tra­vers cette ques­tion se pose la prob­lé­ma­tique inépuis­able de l’art de l’acteur. Au théâtre, dis­ait Jean Vilar, « l’habit fait le moine ». Pour autant, l’habit fait-il le sexe ? Pour Philippe Duquesne, la réponse est un oui franc. Pour lui, c’est le gilet busti­er très ajusté qui l’a corseté dans le per­son­nage « mas­culin » de Getrude Stein. Elle était grande, car­rée et un peu « homme ». Philippe Duquesne avoue avoir eu beau­coup de plaisir à se gliss­er dans une enveloppe de femme dont la prestance physique res­pi­rait l’autorité, la viril­ité. C’est bien l’image d’une maîtresse femme qu’il nous donne à voir : longue robe sobre, chaus­sures à gros talons, pas de per­ruque, sil­hou­ette haute et car­rée, torse vir­ile­ment bom­bé, coudes soudés au corps, mains très expres­sives, voix grave et ton affec­té évo­quant plus la car­i­ca­ture de l’esthète fat et mondain que le féminin. Pour Lau­rent Poitre­naux, ce sont les chaus­sures qui lui ont per­mis d’entrer dans la peau d’une femme : sil­hou­ette élancée, longue robe som­bre, souliers à talons, per­ruque noire coupée au car­ré, voix naturelle, démarche sou­ple, légère­ment non­cha­lante, le con­traire de ce que l’on pour­rait appel­er une allure vir­ile. Dans les deux cas, l’illusion est par­faite, de prime abord, pour celui qui n’aurait pas lu le pro­gramme ; sur scène, il y a deux mor­pholo­gies « féminines » fort prob­a­bles bien que dif­férentes. Pour Gus­ta­vo Gia­cosa, « se trav­e­s­tir fait par­tie du proces­sus de trans­for­ma­tion de l’acteur sur scène» ; l’acteur de Pip­po Del­bono, à tra­vers ses images de femmes fatales longilignes, avec per­ruques et boas, juchées sur des talons aigu­illes, moulées dans de longues robes de soirée ou dans des tailleurs stricts, excelle dans l’art du faux sem­blant. Le cos­tume trans­forme de fait. Pour la suite du tra­vail, l’imaginaire s’est nour­ri en « imi­tant » la réal­ité : les pho­togra­phies des deux per­son­nages his­toriques pour les comé­di­ens de FAIRY QUEEN, le jeu de mains d’une grand-mère pour Lau­rent Poitre­naux, l’observation de trav­es­tis dans un cabaret argentin pour Gus­ta­vo Gia­cosa. Mais le cos­tume, la voix, la démarche, l’allure, les paus­es ne sont que l’enveloppe extérieure du corps. Après avoir épuisé la réserve des signes extérieurs, les acteurs sont allés chercher dans leurs pro­pres corps. Corps entraînés par divers­es dis­ci­plines : la danse avec Odile Duboc pour Lau­rent Poitre­naux, le tra­vail cor­porel plutôt bur­lesque fait en com­pag­nie de Jérôme Deschamps pour Philippe Duquesne, le train­ing ori­en­tal appris chez Euge­nio Bar­ba pour Gus­ta­vo Gia­cosa. La parole devient plus opaque lorsqu’il s’agit de décrire les mécan­ismes à l’œuvre. « La robe ou le cos­tume dessi­nent les con­tours d’un ter­ri­toire que le terme per­son­nage ne suf­fit pas à décrire dans sa vasti­tude », dit Gus­ta­vo Gia­cosa, et il ajoute : « Jusque-là, le jeu par­tait de l’extérieur (les cos­tumes); à par­tir de cette ren­con­tre (celle de l’équipe de Pip­po Del­bono), j’ai expéri­men­té un tra­vail qui part de l’intérieur (un tra­vail du corps) et, selon des logiques totale­ment dif­férentes (les logiques du corps juste­ment), s’en va rejoin­dre l’extérieur et par con­séquent le cos­tume. »

Les for­mu­la­tions mys­térieuses de Gus­ta­vo Gia­cosa trou­vent une con­créti­sa­tion dans le jeu de Lau­rent Poitre­naux dont le corps four­nit les signes d’un dys­fonc­tion­nement per­ma­nent : la voix reste grave, les coudes sont col­lés au buste, les avant-bras sont flex­i­bles comme prêts à se déploy­er, la rigid­ité de la pos­ture générale du corps est d’autant plus frag­ile qu’elle con­traste avec la vol­u­bil­ité des poignets et des mains ou les acro­baties vocales. Et de temps en temps, la con­struc­tion de ce sché­ma cor­porel sem­ble sur le point de s’écrouler sous les coups de boutoir de cette « poussée du dedans vers le dehors » : un éclat de rire ou de colère, le buste qui s’ébranle, la voix qui se met à jouer de toute l’amplitude entre les graves et les aigus sèment le doute dans les sens du spec­ta­teur. Devant nous, il y a un corps per­tur­bé et per­tur­bant, à la fois fam­i­li­er et étrange ; telle l’Olympia du con­te d’Hoffmann que l’on voit vivante quand on la croit morte et morte quand on la croit vivante, ici, le corps de l’acteur joue de la con­fu­sion entre l’homme et la femme. Nous voilà plongés dans le domaine du sim­u­lacre ! Un corps perd le con­trôle de lui-même et laisse appa­raître un autre corps. Je est un autre ou, pour le dire à la manière de Freud, à l’intérieur de mon corps il y a un autre corps qui par­le. Une fois les chaus­sures de femme enfilées, Lau­rent Poitre­naux cherche « com­ment ça par­le et non com­ment ça marche ». Quel est ce ter­ri­toire, com­ment le définir autrement que par défaut, par ce qu’il n’est pas, par l’impossibilité à le nom­mer ? Que va-t-on y chercher ou plutôt de quoi est fait ce ça qui par­le lorsqu’il n’est plus intéres­sant de marcher ?

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