« Ici on refuse d’être à genoux les mains sur la tête. L’homme marche. Qu’importe où il ira crever, vous n’emporterez pas son fagot de rêve et la poussière de son crachat. » (D. N.)
C’EST DANS LES RUES dévastées de Brazzaville, sur les débris de maisons en ruine et dans le chaos assourdissant d’une population hors d’elle-même et d’un monde sorti de ses gonds que Dieudonné Niangouna fonde avec son frère Criss, en 1997, « Les bruits de la rue », une compagnie pour faire du théâtre comme on fait les pieds au mur, pour mettre sens dessus dessous les habitudes et culbuter la langue et les spectateurs avec. Quelques premiers spectacles voient le jour, notamment CARRÉ BLANC, présenté au Théâtre International de Langue Française au début des années 2000, puis au Festival de Limoges. On remarque alors l’impétuosité de la parole du jeune Congolais et surtout les déflagrations d’une écriture explosée, d’une langue mise en charpies et remastiquée. Digne héritier de Sony Labou Tansi, Dieudonné Niangouna ne craint pas les coups de pied iconoclastes mais, au lieu de « chausser un verbe qui nomme notre époque »1, il choisit carrément de marcher sur les mains, d’écrire à la renverse et de mettre le français la tête en bas… 2
D’autres textes tout aussi déconstruits suivront : INTÉRIEUR / EXTÉRIEUR, présenté notamment à « Gare au théâtre » en 2003, et PATATI, PATATRA ET DES TRALALAS OU LES CHIENS ÉCRASÉS, mis en scène par Sophie Lecarpentier. Un de ses textes, BALLE À TERRE, a fait partie du collectif PIÈCES D’IDENTITÉS orchestré par le Théâtre de Folle pensée et Roland Fichet en 2004. Emmanuel Letourneu a également mis en scène, dans le cadre des Récréâtrales 2004 à Ouagadougou, BANC DE TOUCHE, et PETITES BARBARIES ORDINAIRES a été créé à Juvisy-sur-Orge par Véronique Vellard et le Théâtre de l’Éclipse au printemps 2005. La même année, Eva Doumbia, à son tour, a su saisir l’incandescence de ces mots qui brûlent la langue et a monté ATTITUDE CLANDO pour « Brûlots d’Afrique », un spectacle qu’elle a repris aux Argonautes à Marseille, tandis qu’au Vieux Colombier, la première édition d’«Écritures d’Afrique » donnait à entendre LA MORT VIENT CHERCHER CHAUSSURES. Acteur et metteur en scène, Dieudonné Niangouna a aussi joué cet automne DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON au Festival International des Francophonies de Limoges, et cet été 2007 ce sera une reprise d’ATTITUDE CLANDO que l’on pourra découvrir au Festival d’Avignon.
Avec leur première création, Criss et Dieudonné Niangouna cherchaient à faire un théâtre en rupture avec ce qui se jouait à Brazzaville. Tout un public restait encore attaché à un style classique, à des formes héritées du théâtre national, de son répertoire et même du Rocadu Zulu de Sony Labou Tansi qui avait finalement une pratique assez conventionnelle.