Derniers figurants d’une ville fantôme

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Derniers figurants d’une ville fantôme

À propos de ZVIZDAL (Tchernobyl – si loin si proche), collectif Berlin.

Le 18 Mar 2017
ZVIZDAL, collectif Berlin, Photo Frederik Buyckx.
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Le point de départ des spec­ta­cles de Berlin se situe générale­ment dans une ville ou une région de la planète. Fondé en 2003 par Bart Baele, Yves Degryse et Car­o­line Rochlitz, le col­lec­tif anver­sois se car­ac­térise par l’aspect doc­u­men­taire et inter­dis­ci­plinaire de son approche. Ensem­ble, ils ont entamé un cycle inti­t­ulé Holocène1, avec les spec­ta­cles Jerusalem, Iqaluit, Moscow, puis le cycle Hor­ror Vacui avec Tagjish, Land’s End et Perhap’s All The Drag­ons. C’est avec la jour­nal­iste Cathy Blis­son qu’ils ont choisi de pos­er leur regard et leur caméra sur Zviz­dal et ses deux habi­tants. Por­tait filmique, per­for­mance théâ­trale sur mul­ti-écrans… Zviz­dal s’attache à l’existence de Nadia et Pétro, dans une ban­lieue de Tch­er­nobyl. Inspirés par leur vie hors norme en terre con­t­a­m­inée, le groupe Berlin et Cathy Blis­son ont réal­isé un pro­jet entre théâtre, instal­la­tion et doc­u­men­taire – d’une pro­fondeur abyssale.

Cette créa­tion, qu’on a pu voir à Brux­elles dans le cadre du Kun­sten­fes­ti­valde­sarts aus­si bien qu’au Cen­tqua­tre-Paris, pen­dant le Fes­ti­val d’automne 2016, a lais­sé sans voix bon nom­bre de spec­ta­teurs. Touchés, émus, respectueux, affolés…, dif­fi­cile pour le pub­lic de sor­tir indemne de ce réc­it trag­ique et réel. Impos­si­ble de ne pas être en empathie avec ce cou­ple de vieil­lards du bout du monde, qui con­tin­ue à vivre comme si de rien n’était, dans une nature éton­nam­ment lux­u­ri­ante. Robin­sons Cru­soé d’un cat­a­clysme invis­i­ble (la radioac­tiv­ité ne se décèle pas à l’œil nu), Nadia et Pétro vivent reclus dans un ter­ri­toire aban­don­né des humains. C’est après plusieurs voy­ages en Ukraine que Cathy Blis­son a ren­con­tré (par hasard) ce cou­ple incroy­able qui vit dans la zone inter­dite de Tch­er­nobyl. Cri­tique dans les champs de la créa­tion con­tem­po­raine hybride, à la croisée des dis­ci­plines scéniques et autres arts visuels2, Cathy Blis­son con­nais­sait la qua­si-total­ité des spec­ta­cles du col­lec­tif Berlin. Elle pour­suit aujourd’hui un tra­vail d’écriture en tant que dra­maturge auprès de plusieurs com­pag­nies et s’attelle à des pro­jets per­son­nels d’écriture textuelle et sonore, notam­ment avec Anne Quentin (Col­lec­tif &.). Quand elle a ren­con­tré pour la pre­mière fois Yves Degryse et Bart Baele, après un de leurs spec­ta­cles pro­gram­mé au théâtre de la Cité Inter­na­tionale, c’était sans arrière-pen­sée : « Nous avons com­mencé à dis­cuter et j’ai évo­qué ma ren­con­tre avec Nadia et Pétro, qui vivaient comme seuls au monde dans un vil­lage déserté car soumis aux radi­a­tions. J’avais envie d’en faire un pro­jet et il (Yves) m’a demandé si j’avais une équipe… et c’est par­ti comme cela. Bart et Yves ont cette capac­ité à ren­tr­er par la petite porte dans les grandes his­toires ou à voir les grandes choses dans de petites his­toires, sans être intrusifs. Le pre­mier tour­nage a com­mencé en 2011. »3

Pour mémoire, cela fait déjà une trentaine d’années (26 avril 1986) que le plus grave acci­dent nucléaire (avec Fukushi­ma) a eu lieu, dans cette ville du nord de Kiev, en Ukraine. Dans les mois qui ont suivi la cat­a­stro­phe, trois cent cinquante mille per­son­nes ont été déplacées, des dizaines de vil­lages rasés et des zones d’exclusion délim­itées (voir Pierre Le Hir, « Retour à Tch­er­nobyl », Le Monde du 25 – 04-16). Après plusieurs voy­ages dans cette région, Cathy Blis­son a pu pénétr­er dans la zone inter­dite grâce à un ami pho­tographe et a décou­vert les nonagé­naires : deux vieux mag­nifiques aux gueules bur­inées. Solaires, mal­gré leurs bouch­es éden­tées et leurs sil­hou­ettes amaigries et ban­cales. Nadia, dite Baba ou La Vieille – par celui qu’elle nomme le Vieux –, avance en boi­tant, mirac­uleuse­ment.

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Sylvie Martin-Lahmani
Professeure associée à la Sorbonne Nouvelle, Sylvie Martin-Lahmani s’intéresse à toutes les formes scéniques contemporaines....Plus d'info
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