En attendant qu’Abd Al Hadi Abunahleh se connecte, j’observe le calme de ma rue. Les premiers jours d’avril à Bruxelles coïncident avec les premiers jours du Ramadan. Le visage virtuel d’Hadi apparaît enfin sur mon écran. La même sérénité transperce l’autre côté des pixels, à Amman, Jordanie. Le calendrier religieux impose son propre rythme là-bas aussi, un temps « propice à l’échange, à l’introspection », confirme-t-il.
J’aimerais commencer par une simple question : qui êtes-vous ?
Je suis chorégraphe et chercheur en anthropologie. J’ai aussi fondé un collectif, Studio 8, qui agit comme un incubateur d’idées, et au sein duquel nous organisons des résidences, des rencontres entre chercheurs et artistes, pour faire bouger les lignes de la création contemporaine, ici, en Jordanie.
Quels sont vos objectifs avec Studio 8 ?
Studio 8 a pour vocation d’encourager les artistes et les chercheurs jordaniens dans leurs pratiques professionnelles et de leur donner les moyens de se structurer, d’exister tout simplement. En 2019, j’ai initié un festival international, et conçu une autre édition en 2021 avec plus de 48 artistes. Je voulais, dès le début de ce projet, que les artistes internationaux ne viennent pas uniquement présenter leurs productions ; je voulais qu’ils rencontrent des artistes d’ici pour reconstruire leurs pièces, par le biais de séjours de trois semaines à deux mois. IDEA (le festival) agit comme une plateforme qui invite tout le monde à se déplacer, locaux et internationaux.
À l’issue des différentes recherches que vous avez menées avec votre équipe, qu’avez-vous identifié comme axes de développement prioritaires pour le futur de la création contemporaine en Jordanie ?
Nous avons besoin d’une structuration officielle, gouvernementale pour promouvoir et encourager la pratique de tous les arts. Il faudrait dégager des sources de financements pérennes et construire, petit à petit, un répertoire. Lorsque nous avons commencé les workshops, des nouvelles formes, corporalités et narrations ont vu le jour. Mais nous avons fait face à un mur : aucun lieu ne pouvait les accueillir, nous ne rentrions pas dans les « codes ». Et à partir de ce moment-là, nous nous sommes posé la question de comment façonner un nouvel espace de représentation ? Au service de quelles dramaturgies ?
À quoi ressemblent les lieux officiels de programmation en Jordanie ?