Raconter notre époque joyeusement et méchamment

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Raconter notre époque joyeusement et méchamment

Entretien avec Michel Deutsch

Le 6 Juil 1999

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Écrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives ThéâtralesÉcrire le théâtre aujourd'hui-Couverture du Numéro 61 d'Alternatives Théâtrales
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JOSEPH DANAN : Écris-tu encore des pièces de théâtre ?

Michel Deutsch : Met­tons que je n’en écris plus pour le moment, mais rien n’in­ter­dit que je revi­enne un jour à un texte dialogique avec une fable et des per­son­nages… Un texte qui se sou­viendrait de Tchekhov tout en n’ou­bliant ni Brecht, ni Beck­ett. À mon avis d’ailleurs, c’est Tchekhov et Dos­toïevs­ki qui ont été les auteurs essen­tiels de la dra­maturgie européenne dans ce siè­cle.

C’est eux qui ont, si on peut dire, ini­tié cette « nou­velle » écri­t­ure qui reste la nôtre. On pour­rait bien enten­du trou­ver d’autres « pères » : Strind­berg par exem­ple, ou Mal­lar­mé… Sans entr­er dans cette dis­cus­sion con­cer­nant les pères, je dirais seule­ment que pour mon tra­vail, ou plutôt du point de vue de mon tra­vail, ce sont Tchekhov et Dos­toïevs­ki qui me sem­blent impor­tants. Il faut remar­quer que Dos­toievs­ki n’est pas un auteur de théâtre mais que ses romans ont tou­jours fasciné les hommes de théâ-tre. Sou­venons-nous de Jacques Copeau…

Main­tenant il est clair que l’écri­t­ure de Brecht est absol­u­ment déter­mi­nante pour mes brico­lages. Sans Brecht, je ne me serais tout sim­ple­ment pas intéressé au théâtre. Cela dit, com­ment tra­vailler sans tenir compte de Beck­ett, de la césure qu’il pro­duit dans le texte (dans le mou­ve­ment de la parole, dans la langue, par le silence, etc.), ou encore de Hein­er Müller ? De « l’opéra­tion » mül­le­ri­enne.

L’écri­t­ure mül­le­ri­enne a sou­vent trait au geste de l’évis­céra­tion, de l’opéra­tion

- l’opéra­tion mil­i­taire, l’opéra­tion chirur­gi­cale, l’opéra­tion textuelle, l’opéra­tion qui con­siste à tranch­er dans le vif, sans anesthésie, et qui a nom révo­lu­tion (laque­lle révo­lu­tion ne sauvant que ceux qui la font, comme on sait !), l’opéra­tion à siè­cle ouvert !…

J. D.: Tu veux dire que ces auteurs mar­quants du siè­cle nous ont oblig­és à repenser la forme de la pièce de théâtre.

Ren­dent-ils caduque la forme du drame ?

M. D.: Si le drame veut dire préémi­nence absolue du dia­logue, absence de l’au­teur (du sujet de l’énon­ci­a­tion) par le jeu de l’ap­pari­tion-dis­pari­tion de la langue, descrip­tion du milieu, si drame veut dire per­son­nages, psy­cho-logie, remue-ménage, mais aus­si scène frontale, jeu dra­ma­tique séparé du pub­lic par le rideau rouge, la rampe et le noir dans la salle, etc., alors oui, il est cer­tain que, de Brecht à Beck­ett et à Artaud, le drame n’a plus été une « forme » pro­duc­tive vivante du théâtre. Le drame reste pris­on­nier de la forme et du con­tenu, et on ne peut pas dire de la « parole souf­flée », du cri, du silence ou de la dis­tan­ci­a­tion qu’ils s’in­scrivent dans cette prob­lé­ma­tique. Il con­vient de remar­quer toute­fois que le « drame bour­geois » est devenu une des « formes » dom­i­nantes du spec­ta­cle : du boule­vard aux séries télévisées.

J. D.: Oui, mais ce drame bour­geois n’est pas celui qui nous intéresse. Si l’on remonte à l’é­ty­molo­gie, le drame, c’est une forme dans la quelle une action ou une série d’ac­tions se jouent. Et ton théâtre prend la forme du drame, dans DIMANCHE, dans CONVOI…

M. D.: Tu veux par­ler de cette par­tie de mon théâtre qui tombe sous la rubrique « Théâtre du quo­ti­di­en ».

Mes pre­mières pièces ne rel­e­vaient pas du quo­ti­di­en — c’é­taient des pièces d’ag­it prop écrites dans le cadre du théâtre uni­ver­si­taire. Ensuite j’ai écrit RUINES, une pièce qui « sur­phrase », si on peut dire, un cer­tain kitsch wag­nérien.

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Joseph Danan
Joseph Danan est auteur et maître de conférences à l'Insrirur d'Érudes théâtrales (Paris IIISorbonne Nouvelle)....Plus d'info
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