D’autres façons de faire de l’opéra…
Écouter le phonos du monde
Chantal Latour
Mais c’est quoi l’opéra pour moi ? C’est entendre des voix qui me parlent et par chance, elles me parlent en étant musique, elles musiquent, ce sont des sons qui me paraissent beaux, que mes oreilles apprécient et qui me remplissent de joie. Ce sont des récits musicaux, ou des musiques en récit, des histoires dont les détails ne m’intéressent pas toujours, mais dont je perçois pleinement les émotions, les mouvements et les parcours, rencontrant les miens dans l’espace qui nous devient commun, je suis l’une d’entre eux. Je revis ou découvre avec eux des émotions, ce qu’ils.elles en disent, ce qu’ils.elles chantent plutôt. Cela me chante !
Chanter, c’est moduler des sons, se les approprier, jouer de leurs variations infinies et les donner à entendre, les sortir de soi pour les lancer dans l’espace, aux autres peut-être. Et les chanteurs.euses sont des porteurs de voix, ils portent leur voix mais aussi celle des autres. Nos voix sont innombrables et elles ont besoin de sortir. C’est indispensable, sinon elles meurent car, si elles restent muettes, elles vont progressivement s’éteindre ou tomber dans le silence, sans avoir été entendues, ce sera une perte et une tristesse. Le chant m’a sauvé la vie, c’est aussi simple que ça.
Début 2015 à Paris, on entendait beaucoup parler de la COP 21, cet évènement qui devait avoir lieu en France au Bourget plus exactement où le monde entier allait se réunir pour négocier, négocier quoi ? les mesures à prendre pour arrêter les dégâts, aussi simple que cela, on arrête les frais ! on abaisse tous ensemble notre niveau de bêtises, on réfléchit autrement. On se réveille de la torpeur ou du bruit. On écoute le monde, ce qui s’y passe, tous les mondes. Pour se mettre en mouvement, changer le monde, une vieille histoire !
On a senti cette année-là, le besoin de se ressaisir, de comprendre ce qu’on pouvait tenter pour aider aux méandres qui allaient conduire à un accord, quelque chose qui allait peut-être réussir, mais qui ne pouvait pas avancer si on n’était pas présent, en attente, alerté, et actif, bruyant même. « Ils doivent s’entendre, alors faisons-nous entendre. »
Je me suis dit qu’il y avait plein de gens, dans Paris et ses alentours, qui étaient des faiseurs de sons, des gens qui avaient facilement à leur disposition des moyens pour se faire entendre, c’étaient les musiciens bien sûr avec leurs instruments, mais toutes les autres professions aussi, dont les voix existent, à portée de voix comme on dit. Il y a peu d’humains sans voix, le problème, c’est de mettre en scène ou en son, ces voix qui sont si souvent occupées à d’autres tâches que de se faire entendre.