WRITTEN ON SKIN au festival d’Aix-en-Provence : un chef‑d’œuvre de feu et de glace

Opéra
Critique

WRITTEN ON SKIN au festival d’Aix-en-Provence : un chef‑d’œuvre de feu et de glace

Le 11 Nov 2012
Barbara Hanigan et Bejun Mehta dans WRITTEN ON SKIN de George Benjamin et Martin Crimp, mise en scène Katie Mitchell, Festival d’Aix-en-Provence 2012. Photo Pascal Victor.
Barbara Hanigan et Bejun Mehta dans WRITTEN ON SKIN de George Benjamin et Martin Crimp, mise en scène Katie Mitchell, Festival d’Aix-en-Provence 2012. Photo Pascal Victor.

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Barbara Hanigan et Bejun Mehta dans WRITTEN ON SKIN de George Benjamin et Martin Crimp, mise en scène Katie Mitchell, Festival d’Aix-en-Provence 2012. Photo Pascal Victor.
Barbara Hanigan et Bejun Mehta dans WRITTEN ON SKIN de George Benjamin et Martin Crimp, mise en scène Katie Mitchell, Festival d’Aix-en-Provence 2012. Photo Pascal Victor.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 115 - Martine Wijckaert - La Balse
115

INSPIRÉ par une légende occ­i­tane du XII­Ie siè­cle, l’opéra WRITTEN ON SKIN, texte de Mar­tin Crimp, musique de George Ben­jamin et mise en scène de Katie Mitchell est un événe­ment qui fera date dans l’histoire de l’opéra de ce début du XXIe siè­cle.

Un seigneur, fier de ses ter­res et de ses domaines, pro­tecteur et pro­prié­taire, obsédé de pou­voir et de pureté, pos­sesseur de sa femme anal­phabète, invite chez lui un jeune artiste enlu­mineur pour qu’il immor­talise dans un livre l’impitoyable exer­ci­ce de son pou­voir, la jouis­sance de son ordre domes­tique et de la soumis­sion de son épouse.

La réal­i­sa­tion des enlu­min­ures ira de pair avec la séduc­tion de l’épouse et en même temps par la rébel­lion de celle-ci et l’affirmation de sa lib­erté sex­uelle.

De nom­breux élé­ments con­courent à la réus­site exem­plaire de cette œuvre : l’extraordinaire ren­con­tre toute en flu­id­ité du texte, de la musique et de la mise en scène pour­suiv­ant la même puis­sance nar­ra­tive, mêlant le rêve et la réal­ité, inscrivant la trame dans son con­texte his­torique mais n’hésitant pas à tra­vers­er les épo­ques, créant en per­ma­nence une porosité entre les univers his­toriques et con­tem­po­rains.

Le texte prend le par­ti de dédou­bler les per­son­nages : ce sont à la fois des anges et à la fois des per­son­nages de fic­tion. Ils vivent les évène­ments et les racon­tent en même temps.

La langue est portée par une rigueur et une sim­plic­ité, mais ren­voie aus­si à la com­plex­ité des rap­ports entre les êtres. Les incis­es anachroniques qui émail­lent le texte sont suiv­ies par des moments boulever­sants de poésie. Cette poésie est inscrite dans le présent. Le con­te médié­val innervé par la jalousie, la vengeance et la mort n’est pas mis à dis­tance : les corps des acteurs /chanteurs en font un drame à la réso­nance con­tem­po­raine et uni­verselle.

La musique de George Ben­jamin (plaisir et émo­tion de le voir diriger lui-même son œuvre) est d’une lim­pid­ité et d’une force soutenue tout au long de l’œuvre. Alter­nant douceur et vio­lence, s’adaptant par­faite­ment à la dou­ble dimen­sion poé­tique et nar­ra­tive, elle réalise une per­for­mance dans le domaine de la sonorité et de l’expressivité des voix. On est lit­térale­ment porté par les voix, lit­térale­ment « pen­du aux lèvres des chanteurs » qui, fait mal­heureuse­ment trop rare à l’opéra, ren­dent tous les mots audi­bles à tout moment ! La beauté scin­til­lante de la musique dégage une sen­su­al­ité portée jusque dans les silences qui suiv­ent les séquences les plus poignantes.

La mise en scène doit beau­coup au dis­posi­tif scénique divisé en espaces dis­tincts qui évolu­ent par la lumière (éclairages superbes) et les allers et venue des objets et acces­soires. Le regard peut bal­ay­er s’il le veut l’ensemble de ces cadres : les ate­liers, le ves­ti­aire, la demeure, la forêt, la fenêtre et la neige qui tombe der­rière, un escalier très con­tem­po­rain, siège du dénoue­ment du drame.

Le jeu des acteurs /chanteurs, entière­ment habité par le drame qui se noue, nous entraîne naturelle­ment de l’histoire du XII­Ie siè­cle aux sen­ti­ments et affects d’aujourd’hui.

On ne sait plus à cer­tains moments si ce sont les anges qui sont réels puisque ce sont eux qui endossent ou font endoss­er les habits des pro­tag­o­nistes.

Même si la vio­lence est au cœur du dis­posi­tif, lenteur et douceur tra­versent le spec­ta­cle jusqu’à cette image finale où les anges suiv­ent la femme dans sa mon­tée dans l’escalier jusqu’à sa dis­pari­tion où on l’imagine à la fois se jeter dans les airs mais où peut-être « le garçon devenu ange la tient sus­pendue dans le ciel de la nuit ».

La fusion intense et poé­tique du texte, de la musique et de la mise en scène font de cet opéra une his­toire brûlante dans un écrin de glace.

WRITTEN ON SKIN. Photo Pascal Victor.
WRITTEN ON SKIN. Pho­to Pas­cal Vic­tor.

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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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