La beauté de la rencontre de deux univers musicaux

Entretien
Musique

La beauté de la rencontre de deux univers musicaux

Entretien avec Serge Kakudji

Le 25 Juil 2014
Cé-drick Buya, Jean-Marie Matoko, Rodriguez Vangama, Bouton Kalanda, Silva Makengo et Tister Ikomo dans Coup fatal au KVS, mai 2014. Photo Chris Van der Burght.
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Cé-drick Buya, Jean-Marie Matoko, Rodriguez Vangama, Bouton Kalanda, Silva Makengo et Tister Ikomo dans Coup fatal au KVS, mai 2014. Photo Chris Van der Burght.
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121 – 122-123

Bernard Debroux : Quelles sont les cir­con­stances qui t’ont amené à devenir le musi­cien clas­sique que t u es aujourd’hui ?

Serge Kakud­ji : J’avais sept ans, je regar­dais la télé, et en zap­pant je suis tombé sur une chaîne où il y avait de l’opéra. C’était ma pre­mière ren­con­tre avec ce style de musique, j’ai été ébloui. J’avais le sen­ti­ment de com­pren­dre le chanteur rien que par ses gestes et je ressen­tais très fort les émo­tions qu’il dégageait. Un peu plus tard, ce fut la ren­con­tre avec les chants d’église à la cathé­drale.

B. D. : Tu vivais à cette époque à Lubum­bashi ?

S. K. : Oui, c’est la ville où j’ai gran­di. J’ai adhéré à une chorale d’enfants, les trou­ba­dours de Lubum­bashi. J’allais d’une chorale à l’autre, cher­chant le chef de chœur qui pour­rait le mieux me faire pro­gress­er. Je voulais tou­jours chanter mieux, je cher­chais la per­fec­tion. On m’appelait « le vagabond de chorale ». Quand je chan­tais au tout début, on me dis­ait que ma voix était moche, comme le bruit de la boite d’allumettes que l’on sec­oue. Cela m’encourageait encore davan­tage telle­ment j’étais accroché à ce que j’avais enten­du et vu à la télé et à la beauté des chants d’églises. Ça m’obligeait à être le plus vrai pos­si­ble quand je chan­tais, quand je tra­vail­lais la tech­nique.

Je me sou­viens que vers l’âge de neuf, dix ans j’avais demandé à un gar­di­en d’école de pou­voir répéter à 5h30 du matin sur le ter­rain sco­laire pour chauf­fer ma voix, la tra­vailler jusqu’à l’ouverture de l’établissement à 7h30 !

B. D. : Tu as com­mencé très tôt à te pro­duire en pub­lic…

S. K. : Je fai­sais des petits con­certs privés, accom­pa­g­né d’amis pianistes. Quand je voy­ais les gens con­tents, j’étais heureux. Quand j’ai annon­cé à mes par­ents que je voulais devenir chanteur d’opéra, ils ne m’ont pas vrai­ment cru ! Déjà en Afrique c’était un terme très rare, mais alors au Con­go (rires)… J’ai tenu bon, j’ai avancé, et on a fait de plus en plus sou­vent appel à moi dans les chorales.

B. D. : Quelles sont les moti­va­tions qui t’ont poussé à pour­suiv­re ?

S. K. : Ce qui est émo­tion­nel, dra­ma­tique me touche pro­fondé­ment dans l’opéra. Arriv­er à entr­er dans la pro­fondeur de l’interprétation m’a tou­jours guidé et procuré de grandes joies. Au début, je ne savais pas com­ment je fai­sais, j’avais une voix d’enfant, basée sur l’instinct. Plus tard, vers qua­torze, quinze ans, Hubert Maheu, qui dirigeait l’espace cul­turel français à Lubum­bashi m’a invité à chanter à la Halle de l’Étoile et m’a mis en rela­tion avec des gens du méti­er. C’est alors que j’ai représen­té le Katan­ga, la province où je suis né, au con­cours des jeunes tal­ents organ­isé à Kin­shasa. C’est un moment inou­bli­able : être pour la pre­mière fois sur la scène kinoise ! Il y avait de la rum­ba, du hip-hop, toute cette chaleur con­go­laise, et j’étais le seul à faire du clas­sique. L’ambiance mon­tait. Quand ce fut mon tour, j’ai chan­té a cap­pel­la un morceau écrit à Lumum­bashi avec deux amis pianistes.

Le pub­lic à com­mencé a crié « bima ! bima ! », qui veut dire « va t’en ! » (rires). Je sen­tais l’adrénaline mon­ter en moi pour que je chante encore mieux. Au deux­ième morceau, ce fut calme. C’était une chan­son, accom­pa­g­née au piano, qui par­lait des enfants en otage (à l’est du Con­go, durant la guerre, les écoles étaient brûlées, les ter­rains de jeux étaient trans­for­més en cimetière). J’avais tra­vail­lé avec mon pianiste en lui deman­dant : « essaie de jouer en arpège, comme si tu plaçais des étoiles dans le ciel…» Je me sen­tais tout seul sur une planète étrange. Il y avait un silence incroy­able et à la fin du morceau, les gens ont applau­di en pleu­rant.

La ren­con­tre avec Faustin Linyeku­la

S. K. : C’est lors de la deux­ième représen­ta­tion du con­cours de jeunes tal­ents que j’ai ren­con­tré
Faustin Linyeku­la. J’ai par­ticipé à des ate­liers avec lui à Lumum­bashi et il m’a pro­posé de par­ticiper au spec­ta­cle Dino­zord1 dans lequel je chan­tais des extraits du Requiem de Mozart.
Je venais de par­ticiper à un con­cert (à l’insu de ma famille qui voulait que j’arrête le chant pour obtenir mon bac) où j’interprétais le Bene­dic­tus et l’Introïtus du requiem en solo sopra­no… Pour Dino­zord, nous sommes allés en créa­tion à Kisan­gani. Le KVS était copro­duc­teur du spec­ta­cle. Jan Goossens est venu nous voir répéter avec la can­ta­trice améri­caine, Lau­ra Clay­comb, qui est plus que ma mère musi­cale.

B. D. : À ce moment-là, chan­tais-tu « à l’oreille » ou avais tu reçu une for­ma­tion musi­cale ?

  1. Voir entre­tien avec Faustin Linyeku­la page XX. ↩︎
  2. Voir générique ↩︎

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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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