SUBTIL MÉLANGE d’apparente fragilité et de force intérieure, Gisèle Vienne ne tarit pas d’éloges pour ses collaborateurs, notamment artistes, dont certains sont devenus des amis. on connaît cette jeune créatrice pour son goût pour le dépassement des limites, formelles, esthétiques, éthiques. Avec son monde déshumanisé – poupées et masques de mort –, et sa manière froide d’exhiber des sujets guère représentables – érotisme, désir ou violence –, Gisèle Vienne a inventé un type de jeu troublant entre des corps réels et artificiels. « Montreuse » des parts d’ombres de l’humanité. À moitié autrichienne par sa mère1, cette femme en quête d’«extra-ordinaire » à la ville comme à la scène, noue des relations intenses avec des créateurs hors normes.
Dans la constellation de ses amitiés fondatrices, Jonathan Capdevielle apparaît dès le concours d’entrée à l’ESNAM2 : « J’ai vu dès notre première rencontre que c’était un comédien génial et singulier ». Ils collaborent dès leur sortie d’école en 1999, lui en tant que comédien, et elle comme metteure en scène en duo avec étienne Bideau-Rey à cette époque : « La collaboration avec étienne, quoique plus courte (1999 – 2003), reste néanmoins fondatrice puisque notre projet artistique a été créé avec notre compagnie à ce moment-là. » La relation de travail avec Jonathan dure toujours. L’acteur-manipulateur, dont le numéro de ventriloquie3 dans JERK4 a mis en état de choc quelques spectateurs, ne cesse de l’inspirer. En dehors de THE PYRE5, il apparaît dans toutes ses pièces. Ni par fidélité, ni par amitié, puisqu’une des règles de la directrice artistique est d’incessamment remettre en question la nécessité de toute collaboration. Malgré ce rude code du désir à renouveler, Jonathan œuvre au sein de la compagnie de Gisèle Vienne depuis leurs vingt-trois ans respectifs. Dans JERK, cette pièce extrêmement dérangeante, Jonathan atteint des sommets dans l’interprétation du texte de Dennis Cooper. Psychopathe fiévreux, il prête voix et corps à un serial-killer américain des années 70, et à son lot de victimes… Pour Gisèle Vienne, la réalisation de cette pièce était possible grâce aux neuf ans de collaboration en garde rapprochée qui la précédaient, ainsi qu’à la confiance et au respect absolu qui règnent entre les artistes qui en ont permis la construction. C’est ce respect et cette confiance qu’elle entretient avec ses collaborateurs qui leur permettent la réalisation d’expériences artistiques si fortes et singulières.
- « Vienne », le patronyme de son père français n’a étonnamment rien à voir avec la capitale de l’Autriche dont elle porte le nom, et n’est pas non plus son pseudonyme quoiqu’en disent certaines rumeurs. ↩︎
- ESNAM, école Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette, à Charleville-Mézières. ↩︎
- Elle crée actuellement un spectacle pour ventriloques : ThE VENTRILOQUISTS CONVENTION, Gisèle Vienne / Dennis Cooper / Puppentheater halle, Spectacles et concerts, 7 – 11 octobre 2015, Centre Pompidou, Paris et 27 novembre — 4 décembre 2015, Théâtre Nanterre- Amandiers, dans le cadre de l’édition 2015 du Festival d’automne à Paris. Toute la tournée sur : www.g‑v.fr ↩︎
- JERK, 2008, solo pour un marionnettiste, d’après une nouvelle de Dennis Cooper. Conception et mise en scène de Gisèle Vienne. ↩︎
- THE PYRE, 2013, conception, mise en scène, chorégraphie et scénographie de Gisèle Vienne. ↩︎
- Compositeur que nous n’évoquerons pas ici car il est devenu son compagnon. ↩︎
- SHOWROOMDUMMIES, pièce créée en 2001 par Gisèle Vienne et Étienne Bideau-Rey. ↩︎
- « amitie », du verbe « amitier », en référence à l’ouvrage de Gilles A. Tiberghien : AMITIER, éd. du Félin, « coll. Poche », 2008. ↩︎