Camille Mutel, l’exposition nu(ə)

Danse
Portrait

Camille Mutel, l’exposition nu(ə)

Le 21 Juil 2016
Camille Mutel et Alessandra Cristiani dans Soror, chorégraphie Camille Mutel, Compagnie Li(Luo), 2013, Photo Anne Violaine Tisserand.
Camille Mutel et Alessandra Cristiani dans Soror, chorégraphie Camille Mutel, Compagnie Li(Luo), 2013, Photo Anne Violaine Tisserand.

A

rticle réservé aux abonné.es
Camille Mutel et Alessandra Cristiani dans Soror, chorégraphie Camille Mutel, Compagnie Li(Luo), 2013, Photo Anne Violaine Tisserand.
Camille Mutel et Alessandra Cristiani dans Soror, chorégraphie Camille Mutel, Compagnie Li(Luo), 2013, Photo Anne Violaine Tisserand.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 129 - Scènes de femmes
129

Depuis main­tenant une dizaine d’années, Camille Mutel développe, avec sa com­pag­nie Li (luo), un tra­vail choré­graphique sin­guli­er, où à la den­sité de présence et à la pré­ci­sion du mou­ve­ment se mêle le trou­ble qu’elles sus­ci­tent dans la mise en jeu du regard, et du désir qui le sous-tend. Cette présence du corps tire sans aucun doute chez Camille Mutel sa force de sa for­ma­tion au butô1, qui a mar­qué son par­cours : une cor­po­ral­ité élé­men­taire et tel­lurique, en lien organique avec l’espace et le temps dans lesquels elle s’inscrit, capa­ble d’atteindre à une dimen­sion mythique et archaïque. Peut-être la danseuse et choré­graphe tire-t-elle égale­ment du butô une par­tie de son tra­vail sur la nudité, qu’elle emmène cepen­dant ailleurs. Car là est la sin­gu­lar­ité de ses créa­tions : Camille Mutel danse nue – tout d’abord, plusieurs années durant, en solo, et plus récem­ment à plusieurs (duo féminin pour Soror, duo mas­culin-féminin élar­gi en trio avec la présence d’une chanteuse pour le récent Go, go, go, said the bird…, petite com­mu­nauté sans doute pour la prochaine créa­tion). La nudité fémi­nine qu’elle expose alors ques­tionne et active la présence de son corps de danseuse dans le rap­port qu’il instau­re avec le regard porté sur lui, l’érotisme qu’il sus­cite et avec lequel il joue dans un rap­port spec­tac­u­laire labile, entre évi­dence et piège, entre proche et loin­tain.

La nudité dans les spec­ta­cles de Camille Mutel est en effet non pas exhibée, mais exposée : elle s’offre au regard tout en y échap­pant, s’y soustrayant, d’un même mou­ve­ment. Jouant de la per­cep­tion du spec­ta­teur, et du désir que le corps ain­si man­i­festé peut sus­citer, elle con­voque une présence qui se donne para­doxale­ment dans son retrait – qui se con­stitue comme objet du regard pour mieux échap­per à sa saisie. Sym­phonie pour une dis­so­lu­tion, en 2008, con­stru­i­sait ain­si le mou­ve­ment de ce que la choré­graphe appelait « la fin de la comédie fémi­nine » : l’épreuve du manque et de la sépa­ra­tion y entraî­nait le choix de l’érotisme et sa mise en spec­ta­cle, pour se retourn­er cepen­dant en son renon­ce­ment, en un « détache­ment pro­gres­sif du sys­tème de théâ­tral­i­sa­tion des moyens employés à se reli­er ; par­ti­c­ulière­ment ceux de la séduc­tion »2.

Dans ses solos des dernières années3, c’est une telle expo­si­tion – « dis­so­lu­tion » qui s’opère chez Camille Mutel : par la tenue d’un mou­ve­ment lente­ment étiré où le déploiement fait muer, par touch­es infimes mais con­tinû­ment, l’image d’un corps comme déplié et mon­tré sous tous ses angles (Effrac­tion de l’oubli) ; en se fon­dant avec la matière de l’espace et du son jusqu’à don­ner l’impression d’une indis­tinc­tion onirique (Etna !) ; par le jeu plas­tique sur l’ombre et la lumière4 dans lequel le corps se donne et se sous­trait de manière fluc­tu­ante à la vis­i­bil­ité, ou se révèle frag­men­taire­ment, par bribes, comme morcelé dans l’impossibilité de la con­sti­tu­tion de la glob­al­ité d’une image ; mais aus­si par le jeu de dou­bles du duo Soror (avec Alessan­dra Cris­tiani), où les deux corps, ini­tiale­ment comme tombés de l’obscurité des cin­tres, entrent dans un rap­port en miroir ambigu, à la fois de fusion et de dis­tinc­tion, de gémel­lité et de rival­ité.

Camille Mutel et Alessandra Cristiani dans Soror, chorégraphie Camille Mutel. Photo Anne Violaine Tisserand.
Camille Mutel et Alessan­dra Cris­tiani dans Soror, choré­gra­phie Camille Mutel. Pho­to Anne Vio­laine Tis­serand.

A

rticle réservé aux abonné.es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte. Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
Danse
Portrait
Camille Mutel
2
Partager
Christophe Triau
Essayiste, dramaturge et est professeur en études théâtrales à l’Université Paris Nanterre, où il dirige...Plus d'info
Partagez vos réflexions...
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements