« Avant d’être oubliés, nous serons changés en kitsch.
Le kitsch, c’est la station de correspondance entre l’être et l’oubli. »
Milan Kundera
Pourquoi, pour qui, comment, j’écris ?
Écrire pour la scène est-il quelque chose de relativement insensé aujourd’hui ? Probablement. Plus qu’hier ? Je dirais que ça l’a toujours été. Et que ça le sera toujours ? Je ne sais pas. Il semble cela dit qu’aujourd’hui les auteurs dramatiques doivent muter, s’adapter, c’est-à-dire se rapprocher du plateau. C’est du darwinisme social à échelle culturelle. Les metteurs en scène, les acteurs, les directeurs de théâtre, etc. devraient, devront, pourraient, pourront leur faire un peu plus de place.
Quelque chose comme ça.
Ça me semble presque équitable, et pas inintéressant. Mais en fait on n’a pas tellement le choix, sauf à vouloir, pour beaucoup, tomber dans l’oubli. Et pourquoi pas cela dit, mais peut-être pas tout de suite. Il y a du reste certains endroits où ça se fait déjà, et ça ne marche pas si mal. Je fais partie, je crois, des auteurs qui entrent dans ce schéma. J’aime le contact du plateau. Pas trop, mais un peu, juste ce qu’il faut pour pouvoir retourner à mon bureau et m’y remettre. Je n’ai donc pas vraiment à me plaindre de ce point de vue, mais c’est quand même génial de pouvoir le faire un peu malgré tout.
Alors je ne vais pas m’en priver.
Il n’y a pas de petits plaisirs.
Donc, en ce moment, je conseillerais à toute personne intéressée par l’écriture en tant que telle, et qui aime le théâtre aussi (qui a le virus, le sacré virus), qui, donc, veut, souhaite, désire, se lancer dans l’écriture dramatique, mais qui préfère faire ça exclusivement de chez lui, de plutôt s’adonner à tout autre chose qu’une pièce de théâtre.
Un bon gros roman, ou un petit bien nerveux.
Oui.
L’auteur de roman a en effet aujourd’hui beaucoup plus de chance d’être lu par un metteur en scène ou un directeur de théâtre ou même par n’importe qui, et du coup a une petite chance (aussi mince soit-elle, elle existe) d’être monté. C’est comme ça.
Il ne faut plus écrire de théâtre, surtout plus, en tout cas faut pas que ça y ressemble trop. Mais écrire un roman n’est pas à la portée de tout le monde. Que faire dès lors ? Il ne reste peut-être plus qu’à disparaître. Je plaisante, mais la question que peut soulever ce constat est : « Les auteurs dramatiques du genre à faire des pièces dramatiques sont-ils à côté de la plaque ? Sont-ils des dinosaures ? Sont-ils des frustrés de ne pas être, de ne pas pouvoir être, des Bernard-Marie Koltès ? » Ce n’est pas impossible, mais ça ne peut pas exclure cet impondérable psychologique qui fait que les gens, souvent, se conforment à l’image que l’on a d’eux, c’est-à-dire que si on dit à quelqu’un qu’il n’est pas Shakespeare ou Tchekhov, qu’il n’est pas Racine, Molière, ou Heiner Müller, ou je ne sais pas qui, il ne le deviendra jamais, et ne pourra que se morfondre dans la médiocrité qu’on lui attribue (en se demandant qui diable est donc ce satané Koltès ?).
C.Q.F.D. Ou presque (on est d’accord).
Soit.