“Identité(s) au pluriel”

Entretien
Théâtre

“Identité(s) au pluriel”

Entretien avec Hocine Chabira

Le 6 Nov 2017
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OBSTACLES

Il est d’usage aujourd’hui de cri­ti­quer les théâtres publics au motif de leur inca­pac­ité à inté­gr­er la diver­sité cul­turelle de nos sociétés mul­ti­cul­turelles ? Existe-t-il, selon vous, un prob­lème spé­ci­fique d’accès des artistes issus de l’immigration aux scènes européennes ?

C’est évi­dent ! J’ai sou­vent enten­du de la part d’artistes issus de l’immigration leur dif­fi­culté à sor­tir de rôles assignés en fonc­tion de leur orig­ine. La couleur de peau ou l’origine ne devrait pas être un critère de sélec­tion lors des cast­ings.

Com­ment se  traduit  l’injonction  con­tra­dic­toire des  pou­voirs  publics  sur  ce  qui  est devenu un enjeu poli­tique d’affichage et de vis­i­bil­ité, tout en soule­vant des débats de fond au sein d’une société mar­quée par la frac­ture colo­niale ?

Et pour­tant cette « injonc­tion » est assez timide en France. On par­le davan­tage d’identité nationale que de mul­ti­cul­tur­al­isme. On n’en a pas fini avec notre his­toire colo­niale et en même temps com­ment dépass­er cela quand notre société est mal­heureuse­ment tou­jours imprégnée de relents post­colo­ni­aux à tous les niveaux ?

Il sem­ble que le théâtre soit à la traine d’une ten­dance à la diver­si­fi­ca­tion des artistes sen­si­ble en par­ti­c­uli­er dans la danse ou la musique, et à plus forte rai­son dans l’audiovisuel, depuis des années ? Pourquoi une telle résis­tance ou réti­cence ?

Il y a d’un côté des met­teurs en scène et des directeurs de lieux qui n’ont pas pris la mesure  et  l’importance  de  la  diver­si­fi­ca­tion  des  artistes.  Com­bi­en  de  fois  ai-je enten­du que l’Avare ne pou­vait pas être joué par un noir ou que choisir un arabe pour inter­préter Sganarelle était un acte poli­tique ? Il faut chang­er ces men­tal­ités d’un autre âge. Et d’un autre côté trop peu de jeunes issus de l’immigration choi­sis­sent le théâtre comme voies pro­fes­sion­nelles et com­ment pour­rait-il en être autrement quand ce même théâtre ne leur ressem­ble pas et va même jusqu’à les exclure.

Peut-on dire que le spec­ta­cle vivant en France est encore pris­on­nier d’un « sys­tème d’emplois » d’autant plus effi­cace qu’il ne se déclare pas comme tel, voire qu’il n’a pas con­science  de  lui-même ?  Peut-on  y  voir  la  résur­gence  d’une  his­toire  du  théâtre mar­quée par les spec­ta­cles exo­tiques, freaks shows ou encore slide shows, dont Sarah Baart­man la « vénus hot­ten­tote » ou « vénus noire »,  le clown Choco­lat et la danseuse Joséphine Backer ne sont que les fig­ures sail­lantes ?

Le spec­ta­cle vivant en France et la société française dans son ensem­ble sont bien enten­du enfer­més dans des représen­ta­tions post­colo­niales. Il est temps de sor­tir de ces représen­ta­tions.

Com­ment sor­tir d’un sys­tème de dis­tri­b­u­tion où les comé­di­ens issus de l’immigration sont le plus sou­vent relégués à des rôles sub­al­ternes, ou pire, à des rôles les con­duisant à sur­jouer les stéréo­types eth­niques ou raci­aux imposés par la société ?

Je suis per­son­nelle­ment pour l’interdiction par la loi de cast­ings met­tant en avant des critères de couleurs de peau, d’origine ou d’accent… Je suis pour une dis­crim­i­na­tion pos­i­tive mais non publique pour ne pas dis­crim­in­er d’une autre manière les per­son­nes issues de l’immigration. Je suis pour qu’on arrête de dire « issu de la diver­sité », qu’on appelle un chat un chat et donc si on veut par­ler de Noirs et d’Arabes, par­lons de Noirs et d’arabes. Je suis pour qu’on explique à l’école que l’Identité est à utilis­er au pluriel et qu’elle se con­stru­it, que c’est une notion dynamique, mou­vante et plurielle.

« On ne devient pas ce qu’on est mais on est ce qu’on devient » Jean-Loup Amselle

La couleur de peau ou l’origine ne devrait jamais entr­er en ligne de compte dans les recrute­ments quels qu’ils soient.

LEVIERS

Com­ment élargir le recrute­ment des lieux de for­ma­tion aux métiers de la scène et du plateau, sans pour autant tomber dans les tra­vers et effets per­vers d’une poli­tique volon­tariste ?

J’ai enten­du dire par un élève qui se présen­tait au con­cours d’une grande école : je n’ai pas beau­coup de chance de réus­sir à cette école car je ne suis ni noir ni arabe. Même si trop peu d’écoles pra­tiquent la dis­crim­i­na­tion pos­i­tive, il est impor­tant qu’elle ne soit pas ren­due publique. Les directeurs doivent s’emparer de cette respon­s­abil­ité afin de chang­er les men­tal­ités et les représen­ta­tions. En France, 40 % des per­son­nes nées entre 2006 et 2008 ont au moins un par­ent ou grand par­ent immi­gré il est impor­tant de le rap­pel­er !

(…)

La suite de cet entretien sera prochainement en accès libre dans notre dossier "diversité".
BÉRÉNICE, UN RÉSEAU D’ACTEURS CULTURELS ET SOCIAUX EN GRANDE RÉGION POUR LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS.

Contact : Anne Voreux
Chargée de projet Bérénice et des relations publiques

Passages 10, rue des Trinitaires 57 000 Metz
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Hocine Chabira
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Sylvie Martin-Lahmani
Professeure associée à la Sorbonne Nouvelle, Sylvie Martin-Lahmani s’intéresse à toutes les formes scéniques contemporaines....Plus d'info
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