Reflets d’un banquet. Platon « reflété » par Pauline d’Ollone, admiratrice de Socrate, des Épicuriens et…des Flamands de TG Stan
Théâtre
Critique

Reflets d’un banquet. Platon « reflété » par Pauline d’Ollone, admiratrice de Socrate, des Épicuriens et…des Flamands de TG Stan

Le 24 Juil 2018
Jérémie Siska et Pierange Buondelmonte (devant) Anne- Marie Loop, Achile RIdolfi et Philippe Grand’henry (au fond) dans Reflets d’un banquet d’après Platon, mise en scène Pauline D’Ollone, Théâtre des Martyrs, Bruxelles, 2018. Photo Robert Bui.
Jérémie Siska et Pierange Buondelmonte (devant) Anne- Marie Loop, Achile RIdolfi et Philippe Grand’henry (au fond) dans Reflets d’un banquet d’après Platon, mise en scène Pauline D’Ollone, Théâtre des Martyrs, Bruxelles, 2018. Photo Robert Bui.

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Jérémie Siska et Pierange Buondelmonte (devant) Anne- Marie Loop, Achile RIdolfi et Philippe Grand’henry (au fond) dans Reflets d’un banquet d’après Platon, mise en scène Pauline D’Ollone, Théâtre des Martyrs, Bruxelles, 2018. Photo Robert Bui.
Jérémie Siska et Pierange Buondelmonte (devant) Anne- Marie Loop, Achile RIdolfi et Philippe Grand’henry (au fond) dans Reflets d’un banquet d’après Platon, mise en scène Pauline D’Ollone, Théâtre des Martyrs, Bruxelles, 2018. Photo Robert Bui.
Article publié pour le numéro
135
Pauline d’Ollone, une des nombreuses jeunes Françaises du paysage théâtral belge mérite sa double nationalité. Licenciée en Lettres modernes, violoniste (formée au Conservatoire/ Paris), comédienne (formée à l’INSAS/ Bruxelles) elle met en scène une irrésistible adaptation du Banquet de Platon.

Tout a com­mencé à la Comédie-Française en 2010, lors d’un Ban­quet adap­té par Jacques Vincey. « J’ai perçu, dit-elle, les écueils dans lesquels il ne fal­lait pas que je tombe : un texte extrême­ment lit­téraire et intel­lectuel, très dés­in­car­né, rien que l’essence philosophique sans aucune mise en jeu des corps. On en oublie la com­plex­ité des per­son­nages d’où sont nées ces idées. La pen­sée n’est plus mou­ve­ment, elle est sta­tique, figée et presque ennuyeuse ». Et vlan ! Son mod­èle ? Les Fla­mands de TG Stan qui « s’emparent de Molière avec un regard con­tem­po­rain et don­nent la parole au corps, alors qu’en France, Molière est sou­vent devenu un objet de déco­ra­tion dans notre cham­bre ».

Appliquée à Pla­ton, la recherche de raje­u­nisse­ment est dou­ble. Sur le fond, que pren­dre et laiss­er des théories pla­toni­ci­ennes sur l’amour ? Qu’est-ce qui est (in)audible pour une femme con­tem­po­raine ? Et sur la forme, com­ment pass­er de la philoso­phie au théâtre ? « Les théories philosophiques s’incarnent dans des expéri­ences, des trou­bles amoureux entre cer­tains per­son­nages. Il se passe plein de choses entre eux avant d’arriver à l’expression d’une vérité. Ils ont des doutes sur les divers­es théories de l’amour que cha­cun expose. Ils ont des éter­nue­ments, ils s’interrompent, ils ont des règle­ments de compte entre eux. J’ai essayé de creuser ça, de faire appa­raitre des « per­son­nages » au-delà des por­teurs d’idées. » Elle s’appuie, notam­ment, sur les notes de bas de page pour éclair­er les rap­ports de force et d’amour, non dits dans le texte, et qui éclairent les théories de cha­cun comme autant d’« auto­por­traits » dynamiques. Ain­si fait-elle de Socrate non seule­ment un manieur d’idées et de para­dox­es mais un « moteur affec­tif ».

« Tout le monde attend Socrate, le maître « désiré ». Chez Pla­ton cela prend peu de place, mais c’est un excel­lent élé­ment dra­maturgique qui se traduit par des mou­ve­ments vifs, des impa­tiences, bref, des sen­ti­ments plutôt que des idées. Pour les exprimer, je me suis inspirée de Roland Barthes, qui dans Frag­ments d’un dis­cours amoureux par­le longue­ment de cette « attente » et de son lien avec le désir. »

Du Ban­quet de Pla­ton, on ne retient sou­vent, à part Socrate, que deux per­son­nages flam­boy­ants. Aristo­phane, qui développe la fameuse théorie de l’androgyne et Alcib­i­ade, le sul­fureux politi­cien, amoureux ivre, écon­duit par Socrate. Les autres sont de vagues porte-paroles de théories. Dans son adap­ta­tion, Pauline d’Ollone en fait un « por­trait de groupe » dynamique.

« En bas de page, on apprend qu’Agathon est l’amant de Pau­sa­nias, je mon­tre donc leur atti­rance sur scène. Agath­on, l’hôte (« beau et bon »), est cour­tisé par tout le monde. J’ai donc dévelop­pé son rôle, placé au cen­tre de l’attention. Cha­cun défend des théories de l’amour mais en même temps, il y a dans ce groupe des rival­ités amoureuses spec­tac­u­laires, comme l’arrivée toni­tru­ante d’Alcibiade. Pau­sa­nias fait des règle­ments sur « qui on a le droit d’aimer », « com­ment il faut l’aimer » etc. D’où vient cette obses­sion de « régle­menter » l’amour ? Cette volon­té de hiérar­chis­er les êtres et les sen­ti­ments est un ter­reau prop­ice à la dis­crim­i­na­tion et à l’esprit total­i­taire de cer­taines lois : c’est à la fois ris­i­ble et effrayant. Pour Eryx­i­maque, il faut aimer sans souf­frir. Pourquoi cette peur des excès de la souf- france ? Pour moi, il est guet­té par la démesure et la folie et pour y échap­per il s’appuie sur les théories matéri­al­istes d’Épicure et de Lucrèce, un anachro­nisme que je revendique. Et si Dio­time a ten­dance à tant par­ler d’immortalité, c’est qu’elle a peur de la mort qui la guette. Dio­time meurt donc en par­lant d’immortalité, une fin en beauté, en somme. J’ai chaque fois cher­ché les sources de con­flit, ce qu’il y a der­rière leurs idées. »

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Écrit par Christian Jade
Chris­t­ian Jade est licen­cié en français et espag­nol de l’Université libre de Brux­elles ( ULB) et auteur d’un...Plus d'info
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