Pauline d’Ollone, une des nombreuses jeunes Françaises du paysage théâtral belge mérite sa double nationalité. Licenciée en Lettres modernes, violoniste (formée au Conservatoire/ Paris), comédienne (formée à l’INSAS/ Bruxelles) elle met en scène une irrésistible adaptation du Banquet de Platon.
Tout a commencé à la Comédie-Française en 2010, lors d’un Banquet adapté par Jacques Vincey. « J’ai perçu, dit-elle, les écueils dans lesquels il ne fallait pas que je tombe : un texte extrêmement littéraire et intellectuel, très désincarné, rien que l’essence philosophique sans aucune mise en jeu des corps. On en oublie la complexité des personnages d’où sont nées ces idées. La pensée n’est plus mouvement, elle est statique, figée et presque ennuyeuse ». Et vlan ! Son modèle ? Les Flamands de TG Stan qui « s’emparent de Molière avec un regard contemporain et donnent la parole au corps, alors qu’en France, Molière est souvent devenu un objet de décoration dans notre chambre ».
Appliquée à Platon, la recherche de rajeunissement est double. Sur le fond, que prendre et laisser des théories platoniciennes sur l’amour ? Qu’est-ce qui est (in)audible pour une femme contemporaine ? Et sur la forme, comment passer de la philosophie au théâtre ? « Les théories philosophiques s’incarnent dans des expériences, des troubles amoureux entre certains personnages. Il se passe plein de choses entre eux avant d’arriver à l’expression d’une vérité. Ils ont des doutes sur les diverses théories de l’amour que chacun expose. Ils ont des éternuements, ils s’interrompent, ils ont des règlements de compte entre eux. J’ai essayé de creuser ça, de faire apparaitre des « personnages » au-delà des porteurs d’idées. » Elle s’appuie, notamment, sur les notes de bas de page pour éclairer les rapports de force et d’amour, non dits dans le texte, et qui éclairent les théories de chacun comme autant d’« autoportraits » dynamiques. Ainsi fait-elle de Socrate non seulement un manieur d’idées et de paradoxes mais un « moteur affectif ».
« Tout le monde attend Socrate, le maître « désiré ». Chez Platon cela prend peu de place, mais c’est un excellent élément dramaturgique qui se traduit par des mouvements vifs, des impatiences, bref, des sentiments plutôt que des idées. Pour les exprimer, je me suis inspirée de Roland Barthes, qui dans Fragments d’un discours amoureux parle longuement de cette « attente » et de son lien avec le désir. »