Paul Rondin est directeur délégué du Festival d’Avignon (2013 – 2022) et coprésident de France Festivals. Il travaille depuis de longues années avec Olivier Py et Agnès Troly, respectivement directeur et programmatrice du Festival d’Avignon. Fort d’une expérience de décentralisation théâtrale et animé par un « souci du monde », le trio qui s’est formé lors de l’aventure orléanaise (Centre Dramatique National/Orléans-Loiret-Centre, 1998 – 2007), a œuvré à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (2007 – 2012).
Avant de parler de votre programmation à Avignon depuis 2013, j’aimerais qu’on s’arrête un instant sur votre expérience à l’Odéon. Vous aviez invité des artistes originaires de plusieurs pays du monde arabe. Peux-tu nous expliquer la logique artistique et géopolitique de ce choix, à l’Odéon-Théâtre de l’Europe ?
Pour répondre précisément, je dois évoquer trois paramètres généraux. Je commence par ce qui est une responsabilité de programmateur, notre souci d’explorer et de faire découvrir toutes les régions du monde, notamment les plus méconnues en Europe : Océanie, Chine, monde arabe. Je poursuis par des questions sociologiques et culturelles, en France un certain nombre de nos concitoyens et concitoyennes ont des origines ou des affinités avec le Maghreb, le Machrek ou le Moyen-Orient… Sans que ce soit une réponse communautariste, elle se veut, au contraire, hospitalière, il nous paraît logique de tenir compte dans nos choix des sensibilités du public ou du non-public, la diversité sur les plateaux faisant la diversité dans les salles. Je termine par notre désir d’ouvrir une Europe du spectacle trop longtemps figée dans un rapport Nord-Est, à toute l’Europe du Sud, avec une fenêtre sur le monde arabe.
J’ai souvenir d’importantes manifestations littéraires à l’Odéon qui mettaient à l’honneur la poésie arabe d’hier et d’aujourd’hui.
En effet, c’est d’abord par le prisme de la poésie et de sa transmission orale que nous sommes allés chercher les spectacles. Dès la première saison, nous avons imaginé un récital Mahmoud Darwich. Le grand poète palestinien disait ses textes en arabe tandis que le comédien de théâtre Didier Sandre les interprétait en français1. Nous avons ensuite organisé un Printemps arabe (avant les Révolutions), un véritable festival au sein de l’Odéon, en mettant à l’honneur le théâtre et la poésie de la Tunisie, de l’Égypte, du Maroc, de la Syrie, de la Palestine, de l’Irak, du Liban, de la Libye…