René Kalisky, un septennat plus tard

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René Kalisky, un septennat plus tard

Le 31 Mar 1988
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En 1981, à quelques jours des prési­den­tielles français­es, René Kalisky dis­parais­sait, emporté par un can­cer foudroy­ant. Sept ans plus tard, à quelques semaines de la répéti­tion du même rit­uel démoc­ra­tique, cet ensem­ble d’ar­ti­cles entourant un de ses textes essen­tiels, tou­jours inédit à ce jour, nous con­fronte à nou­veau avec l’ac­tu­al­ité intacte, sinon ren­for­cée, de son mes­sage, avec la nou­veauté plus fer­tile que jamais de son art. René Kalisky aurait éprou­vé une grande joie à la nou­velle de la désig­na­tion de François Mit­ter­rand comme chef de l’E­tat, issue d’un scrutin qu’il appelait de tous ses vœux, comme une remise en route de !‘His­toire, dont toute son œuvre dénonce le grip­page, le hoquet dérisoire. Au cours de ses dernières semaines de valid­ité, il était ani­mé d’une sorte d’ébriété à la per­spec­tive encore hypothé­tique de cette élec­tion.
Jusqu’à ce que la mal­adie ne le mobilise pour un autre com­bat, inten­sé­ment per­son­nel celui-là, dont il ne sor­ti­rait pas vivant.
Un septen­nat est passé depuis, au cours duquel son œuvre a con­nu une recon­nais­sance dont ses proches, ses amis, ses admi­ra­teurs, auraient tant voulu qu’il en fût le témoin. Il y eut notam­ment l’é­ton­nante car­rière de sa pièce ultime, FALSCH, magis­trale­ment créée par Antoine Vitez à Chail­lot, trans­posée à l’écran par les frères Dar­d­enne, dont le film est en train de faire le tour du monde et, surtout, mon­tée en Alle­magne avec un extra­or­di­naire suc­cès, qui laisse présager que le reste de son théâtre va sus­citer dans ce pays une curiosité gran­dis­sante. Avec à la fois une lib­erté et une assur­ance pro­gres­sives, les hommes de théâtre, fran­coph­o­nes et autres, se sont avisés au cours de ces années que René Kalisky était effec­tive­ment l’un des dra­maturges majeurs de ce temps, par l’am­bi­tion de ses thèmes, l’au­dace de ses engage­ments, la hardiesse de son renou­velle­ment des formes théâ­trales. Rompant résol­u­ment avec une esthé­tique du manque et du mutisme (Beck­ett et sa descen­dance, y com­pris Hein­er Müller), avec une déri­sion qui cache mal son con­ser­vatisme fonci­er (l’ab­surde et ses avatars), Kalisky impose un lan­gage qui ose atta­quer de front les grandes ques­tions du siè­cle. Il oppose à une époque com­plexe entre toutes un édi­fice dra­ma­tique et lan­gagi­er qui est en mesure d’in­té­gr­er ses lumières et ses tach­es aveu­gles, ses élans et ses ver­tiges. Kalisky a su inven­ter un nou­veau baro­quisme à l’usage de ses con­tem­po­rains.
A l’heure où l’Eu­rope est au cen­tre de tous les débats, où l’on voit les ban­quiers et les marchands anticiper son élab­o­ra­tion effec­tive, il est heureux que paraisse enfin la trans­po­si­tion scénique que Kalisky com­posa, il y a quinze ans, sous le coup de la lec­ture du roman de Romain Gary, d’EU­ROPA, le livre peut-être le plus mal con­nu et le plus mal com­pris de l’au­teur d’E­D­U­CA­TION EUROPÉENNE. Kalisky avait immé­di­ate­ment sen­ti ce qui des­ti­nait ce réc­it à la malé­dic­tion : la vio­lence sar­cas­tique avec laque­lle il refu­sait d’oc­cul­ter le meurtre con­tre l’hu­man­ité sur lequel la com­mu­nauté du cap occi­den­tal de l’Asie entre­prendrait, au lende­main de la tour­mente, de se rassem­bler.
Comme Marc Quaghe­beur l’analyse admirable­ment dans son étude qui com­plète defin­i­tive­ment l’œu­vre pro­pre­ment dite, EUROPA de Gary-Kalisky met en jeu les leur­res de l’hu­man­isme où l’on pré­tend voir les fon­da­tions de notre cul­ture, sous la forme de ce que l’es­say­iste appelle un « requiem car­nava­lesque ». Cette mise en garde-là n’est pas la moin­dre de celles que Kalisky nous a léguées. Et sa pub­li­ca­tion n’au­rait pu tomber plus à point nom­mé.

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