La grammaire de manipulation

La grammaire de manipulation

Le 21 Nov 2000
RAILLERIE, SATIRE, IRONIE ET SIGNIFICATION PROFONDE de Christian Dietrich Grabbe, mise en scène Émilie Valantin, 1998. Photos Brigitte Enguerand.
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Article publié pour le numéro
Le théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives Théâtrales
65 – 66
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Une pre­mière déf­i­ni­tion de la gram­maire de « manip­u­la­tion » a été pro­posée par André Charles Ger­vais en 1947 pour l’entraînement mus­cu­laire des manip­u­la­teurs à l’imitation des pro­grammes de gym­nas­tique sué­doise.

Ger­vais pro­pose des exer­ci­ces de bras, de poignet et de doigts. Il déter­mine qua­tre posi­tions de base pour la mar­i­on­nette à gaine, et toutes les vari­antes néces­saires pour les incli­naisons de tête et les posi­tions des bras des per­son­nages. On ne saurait aujourd’hui enseign­er la manip­u­la­tion sans intro­duire dès la pre­mière appari­tion de la mar­i­on­nette, res­pi­ra­tion, notion d’énergie et surtout inten­tion. C’est ce désir de sens qui fait l’objet de nos efforts pour affin­er la gram­maire de manip­u­la­tion appliquée à l’expression com­porte­men­tale comme à l’interprétation du texte.

La marionnette et l’expression comportementale (gestes et onomatopées)

Avant d’aborder le texte, le champ d’expression de la mar­i­on­nette en gestes et en atti­tudes est très intéres­sant à explor­er.

La gram­maire de manip­u­la­tion com­mence par la marche (à la bonne hau­teur pour les mar­i­on­nettes manip­ulées par en-dessous, et sans affaiss­er les genoux et le bassin pour les mar­i­on­nettes à tringles et à fils), ses rythmes, ses atti­tudes, la maîtrise des regards, les salu­ta­tions, la posi­tion assise et couchée, etc.

On intro­duit égale­ment la préhen­sion des objets, prob­lème de dex­térité aus­si inépuis­able que la diver­sité des objets à saisir (para­doxale­ment, l’objet enrichi con­sid­érable­ment le fonc­tion­nement métaphorique de la mar­i­on­nette, mais il est son tour­ment).

À l’occasion du réper­toire de gestes de chaque type de mar­i­on­nette, on explore égale­ment son espace scéno­graphique et com­ment elle y évolue en créant elle-même les codes de lec­ture de cet espace : par exem­ple, selon l’attitude de la mar­i­on­nette, la bande (planche du castelet) est regardée comme sol, bal­con, para­pet, table ou lit.

Tous ces exer­ci­ces impliquent une stricte économie des gestes de mains et de tout effet par­ti­c­uli­er à chaque poupée. (On gér­era la par­ti­tion de la mar­i­on­nette en réser­vant pour le moment le plus per­ti­nent, par exem­ple la bril­lante volte sur les talons d’une mar­i­on­nette à tringle, ou les coups de tête d’une mar­i­on­nette à gaine con­tre la bande). La plu­part du par­cours sera d’attitudes sobres, d’inclinaisons justes de vibratos infimes, d’un hoche­ment de tête au juste rythme, de retourne­ments à la lenteur réfléchie.

Bien sûr en exé­cu­tant tous ces exer­ci­ces on cherche à don­ner cohérence aux actions du per­son­nage de façon à ce que la pen­sée, comme l’énergie, cir­cu­lent bien le long du bras du manip­u­la­teur jusqu’à sa poupée. On peut observ­er dès les pre­miers essais de marche, que l’agitation et les sac­cades ne sont pas réelle­ment drôles, parce qu’elles ren­dent la mar­i­on­nette incrédi­ble.

Pour accom­pa­g­n­er tout ce réper­toire de gestes, et en préal­able à l’introduction du lan­gage, la res­pi­ra­tion, la toux, les cris, le rire, les pleurs, les chu­chote­ments sont l’occasion de don­ner vie à un per­son­nage, et de le met­tre en sit­u­a­tion avec d’autres.

Le manip­u­la­teur cherche à tout instant la sincérité sans essay­er d’être comique à tout prix. Il faut exclure dès les pre­miers essais de manip­u­la­tion le caboti­nage, les excès dus à une ten­dance cul­turelle suran­née : la « régres­sion pour cause de mar­i­on­nette ».

La réduc­tion des mou­ve­ments à la taille de la mar­i­on­nette ne doit pas con­duire à une réduc­tion de l’émission vocale donc de l’interprétation, (même des ono­matopées).

La mar­i­on­nette est un out­il d’analyse du quo­ti­di­en qui per­met d’en exor­cis­er la con­fu­sion et par­fois d’en révéler l’absurde. Elle fait ressor­tir les prob­lèmes exis­ten­tiels que révè­lent nos gestes. Citons par exem­ple, l’expression de l’obstination, de l’indécision, la mise en boucle des actions incon­scientes dans la vie réelle sub­tile­ment préméditées et assumées en mar­i­on­nette, etc.

La néces­sité de répéter avec pré­ci­sion le par­cours de la plus sim­ple action en respec­tant un place­ment effi­cace et con­trôlé est une propédeu­tique au jeu théâ­tral et à la dis­ci­pline de l’acteur.

Pour ce faire, la néces­sité d’un dis­cours intérieur du manip­u­la­teur, s’impose dès les pre­mières impro­vi­sa­tions. Ce sous-texte secret qui per­met la maîtrise des gestes d’un per­son­nage est indis­pens­able pour garder la bonne dynamique d’une action, surtout en l’absence de texte.

Chaque manip­u­la­teur crée le sien, pour garan­tir à ses parte­naires de jeu, la fia­bil­ité de ses manip­u­la­tions.

Cette dis­po­si­tion men­tale acquise dès les pre­mières manip­u­la­tions per­met d’aborder facile­ment le lan­gage.

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Émilie Valantin
Émilie Valantin dirige le Théâtre du Fust à Montélimar. Elle travaille toutes les techniques de...Plus d'info
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