« Mais donne-moi, je te prie…
F. Nietzsche, PAR-DELA BIEN ET MAL
– Quoi donc ? Parle ?
– Un masque de plus, un second masque!… »
Le travesti, singularités et authenticité
QU’EST-CE QUE vous voulez voir ? », voici ce que demande l’homme en robe au public de NELKEN (1982) de Pina Bausch. Et lorsque, à quatre, main dans la main, ils traversent en file indienne le plateau recouvert d’œillets, un décalage survient.
La marche commune dessine une ligne de flottement dans l’espace chorégraphique ; les regards lourds et fuyants contrastent avec la légèreté des robes en mousseline, la gaieté des couleurs vives des fleurs. D’une corporéité similaire, l’homme vêtu d’une robe printanière d’EN SERVICIO (2007) de Hans Van Den Broek provoque un rire chez les spectateurs lorsqu’il entre en scène. Ce rire s’arrête aussitôt car l’homme en robe se fait immédiatement interpeller par un policier qui lui réclame ses papiers d’identité avant de le traiter de « pouffiasse ». De même, dans l’univers d’Alain Platel, consacré au monde des marges, la figure du travesti reste emblématique d’une nature hors normes. Le travesti d’IETS OP BACH (1998) peut être assimilé à un corps politique, de par sa seule présence il remet en question un ordre social. Sur ces plateaux qui combinent mixité, étrangeté et excentricité, l’image du travesti, qu’elle soit métaphorique ou réaliste, a une place privilégiée, celle de la sincérité, révélatrice d’une réalité sans masque : le travesti y est paradoxalement porteur d’une vérité.