MEFISTO FOR EVER de Tom Lanoye ou les ambiguïtés de l’acteur « collabo »

Entretien
Théâtre

MEFISTO FOR EVER de Tom Lanoye ou les ambiguïtés de l’acteur « collabo »

Entretien avec Tom Lanoye et Guy Cassiers

Le 22 Juil 2007
Dirk Roofthooft dans MEFISTO FOR EVER de Tom Lanoye, mise en scène Guy Cassiers. Photo Koen Broos.
Dirk Roofthooft dans MEFISTO FOR EVER de Tom Lanoye, mise en scène Guy Cassiers. Photo Koen Broos.

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Dirk Roofthooft dans MEFISTO FOR EVER de Tom Lanoye, mise en scène Guy Cassiers. Photo Koen Broos.
Dirk Roofthooft dans MEFISTO FOR EVER de Tom Lanoye, mise en scène Guy Cassiers. Photo Koen Broos.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 93 - Ecrire le monde autrement
93

CHRISTIAN JADE : Tom Lanoye, votre activ­ité lit­téraire n’est pas seule­ment théâ­trale…

Tom Lanoye : En effet, je n’écris pas que pour le théâtre. J’ai com­mencé par de la poésie, j’étais même « poète offi­ciel » de la ville d’Anvers, mais avec une totale lib­erté cri­tique : par tem­péra­ment, je suis plutôt un « bouf­fon du roi » qu’un chantre de la ville. J’ai aus­si écrit plusieurs romans, dont le pre­mier, ALLES MOET WEG ( IL FAUT TOUT JETER ) a été adap­té au ciné­ma. Enfin, j’ai écrit une quin­zaine de pièces de théâtre, dont la plus célèbre, TEN OORLOG (À LA GUERRE) est une adap­ta­tion de huit « drames roy­aux » de Shake­speare, de Richard II à Richard III. C’est un pam­phlet con­tre la guerre, mis en scène par Luk Perce­val, qui dure onze heures et qui a eu beau­coup de suc­cès, y com­pris en Alle­magne. Luk Perce­val est d’ailleurs devenu, entre-temps, met­teur en scène asso­cié à la Schaubühne de Berlin, dirigée par Thomas Oster­meier.

C. J. : Cette expéri­ence shake­speari­enne vous a‑t-elle été utile pour ce MEFISTO FOR EVER créé cet hiv­er au Toneel­huis d’Anvers et que vous présen­tez cet été à Avi­gnon, au Théâtre munic­i­pal ?

T. L. : Cette pre­mière adap­ta­tion théâ­trale m’a beau­coup servi pour l’adaptation de MEFISTO, mais le prob­lème posé était sen­si­ble­ment dif­férent. Trans­pos­er une matière déjà théâ­trale, comme Shake­speare, et trans­pos­er un roman, de Klaus Mann, le fils de Thomas, exige une autre approche. Nos dis­cus­sions ini­tiales, en équipe, avec le met­teur en scène, Guy Cassiers, le dra­maturge, Erwin Jans et l’acteur prin­ci­pal Dirk Roofthooft ont porté à la fois sur le roman et sur son mod­èle, le grand acteur Gustaf Gründ­gens. Le MEFISTO de Klaus Mann est un pam­phlet, qui date de 1936. Mais il est trop « lim­ité » à son époque, les pre­mières années du règne d’Hitler, pour intéress­er un pub­lic de théâtre con­tem­po­rain. Dans le roman, on voit les excès du per­son­nage de l’acteur, mais pas ce que je con­sid­ère comme le vrai enjeu. Com­ment Gründ­gens, rebap­tisé dans notre pièce Kurt Köpler, a‑t-il pu se tromper à ce point, et si longtemps, de 1936 à 1945 ? Qu’a‑t-il fait après 1936 (il a vécu jusqu’en 1963 et a survécu à tous les régimes, grâce à son tal­ent)? La con­clu­sion vient de l’étude de sa biogra­phie plus que du pam­phlet de Klaus Mann : il a cru pou­voir com­bat­tre le sys­tème en pro­tégeant, dis­crète­ment des acteurs juifs et com­mu­nistes, mais c’est finale­ment le sys­tème qui l’a vain­cu.

C. J. : Cette pièce a été voulue au départ comme une réflex­ion sur la mon­tée de l’extrême droite en Flan­dre. On sait qu’un par­ti nation­al­iste et xéno­phobe, le Vlaams Belang, fait plus de 33 % des voix à Anvers et est proche du Front Nation­al de Le Pen.

Guy Cassiers : En tant que nou­veau directeur du Toneel­huis d’Anvers, j’ai entre­pris une réflex­ion col­lec­tive avec sept artistes asso­ciés : quelle est notre respon­s­abil­ité dans une ville où un tiers des citoyens vote pour l’extrême-droite ? J’ai com­mandé MEFISTO FOR EVER à Tom Lanoye pour inau­gur­er cette pre­mière sai­son, en met­tant la prob­lé­ma­tique poli­tique et citoyenne au cen­tre du jeu. Ce qui m’intéresse c’est de recréer, via le théâtre, un espace de dia­logue, et pas seule­ment de dire qui est le « bon », qui est le « méchant », qui fait « le bien », qui fait « le mal ». Le cas de Kurt Köpler est intéres­sant puisque, avec les meilleures inten­tions du monde au départ, il finit par faire tout ce qu’il s’était promis de ne pas faire. Il n’y a pas de manichéisme dans cette pièce puisque Köpler se trompe lui-même de bonne foi. Mais pour nous, spec­ta­teurs, la ques­tion est : à quel moment passe-t-il du com­pro­mis pass­able à la col­lab­o­ra­tion ?

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Christian Jade
Christian Jade est licencié en français et espagnol de l’Université libre de Bruxelles ( ULB)...Plus d'info
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