Faire entrer le « dehors » au théâtre Daniela Nicolò de la compagnie Motus

Entretien
Théâtre

Faire entrer le « dehors » au théâtre Daniela Nicolò de la compagnie Motus

Le 19 Avr 2009
Catia Dalla Muta dans L'OSPITE, inspiré du roman et du film TEOREMA de Pier Paolo Pasolini, mise en scène Enrico Casagrande et Daniela Nicolò, compagnie Motus, Théâtre National de Bretagne, 2004. Photo Laura Arlotti.
Catia Dalla Muta dans L'OSPITE, inspiré du roman et du film TEOREMA de Pier Paolo Pasolini, mise en scène Enrico Casagrande et Daniela Nicolò, compagnie Motus, Théâtre National de Bretagne, 2004. Photo Laura Arlotti.

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Catia Dalla Muta dans L'OSPITE, inspiré du roman et du film TEOREMA de Pier Paolo Pasolini, mise en scène Enrico Casagrande et Daniela Nicolò, compagnie Motus, Théâtre National de Bretagne, 2004. Photo Laura Arlotti.
Catia Dalla Muta dans L'OSPITE, inspiré du roman et du film TEOREMA de Pier Paolo Pasolini, mise en scène Enrico Casagrande et Daniela Nicolò, compagnie Motus, Théâtre National de Bretagne, 2004. Photo Laura Arlotti.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 101 - Extérieur Cinéma - théâtre national de Nice
101

EN 1990 – 91 Daniela Nicolò et Enri­co Casagrande mon­tent à Rim­i­ni leur pre­mier spec­ta­cle, STATI D’ASSEDIO ( L’ÉTAT DE SIÈGE ) inspiré du texte homonyme d’Albert Camus. Près de vingt ans et quar­ante pièces plus tard, la com­pag­nie Motus est dev­enue une valeur sûre du paysage théâ­tral ital­ien. Leur théâtre, forte­ment ciné­matographique, obstiné­ment lucide et soucieux du monde actuel, est ancré dans le présent. En 2004, ils mon­tent L’OSPITE, tiré du roman et du film THÉORÈME de Pasoli­ni, dont le cri­tique Gof­fre­do Fofi écrira : « quelle grande sen­si­bil­ité et intel­li­gence qu’a Motus dans le respect et dans la mise à dis­tance, en d’autres ter­mes, comme on le dis­ait autre­fois, dans la « lec­ture cri­tique…»

En 2006, ils créent RUMORE ROSA, inspiré du film LES LARMES AMÈRES DE PETRA VON KANT, de Rain­er Maria Fass­binder : « Nous avions décidé de met­tre
en scène un vrai mélo fass­binde­rien, d’en faire un qua­si remake, en con­stru­isant un intérieur avec moquette blanche et canapés élé­gants… le tout vu de l’extérieur, des fenêtres de la mai­son de Petra, donc une sorte de boîte fil­trée au moyen de fenêtres et de per­si­ennes, à tra­vers laque­lle on aurait pu épi­er tout en main­tenant à dis­tance l’histoire déchi­rante de la fin d’un amour et de la libéra­tion de Mar­lène… Pour des raisons de droits d’auteurs et de Pou­voir ( avec un P majus­cule ) on nous a inter­dit de met­tre le texte en scène… Colère, puis résig­na­tion. Cette inter­dic­tion, bien qu’absurde, a été libéra­trice parce qu’elle nous a poussés à déplac­er immé­di­ate­ment la per­spec­tive, ou, mieux, le cadrage. Du reste, nous sommes con­va­in­cus que Fass­binder aurait préféré les trahisons aux célébra­tions. ( … )

Nous avons décidé de graver sur vinyle cer­tains dia­logues des LARMES AMÈRES, comme mémoire tam­pon d’un texte qui n’existe plus, qui survit unique­ment dans les sou­venirs de Mar­lène. Nous y avons aus­si enreg­istré d’autres sonorités : bruits de pas, coups de télé­phone, bruits de ville. Tout ce qui était gravé sur le vinyle deve­nait automa­tique­ment objet, ou, mieux, sim­u­lacre de quelque chose fondé essen­tielle­ment sur un manque. Sur un vide. Et au bord de ce vide nous avons avancé. » (Extraits de la présen­ta­tion du pro­jet sur le site Inter­net de la com­pag­nie, www.motusonline.com).

Avez-vous un rap­port per­son­nel avec les films dont vous choi­sis­sez le scé­nario comme point de départ pour un de vos spec­ta­cles ? Ont-ils une rela­tion avec une époque ou un événe­ment de votre vie ?

Si nous déci­dons « d’utiliser » un film comme scé­nario, paysage sonore et référence dra­maturgique, ce n’est jamais par hasard ou pour une ques­tion pure­ment esthé­tique… Dans le cas de L’OSPITE, cela s’inscrivait dans le con­texte d’un pro­jet plus vaste dédié à Pasoli­ni, et en par­ti­c­uli­er à « ce Pasoli­ni » qui décide de s’occuper de la « bour­geoisie », des con­tra­dic­tions et des mal­adies inhérentes à la classe dom­i­nantes, à ceux qui ont « tou­jours pos­sédé»… Comme c’est un pro­jet de fond cen­tré sur les rap­ports de pou­voirs, nous avons choisi de tra­vailler autant sur THÉORÈME, le film et le roman, que sur PÉTROLIO, la dernière œuvre inachevée, puisque ces deux pro­duc­tions ont comme élé­ment cen­tral le thème du pas­sage de « la pos­ses­sion » à « l’être pos­sédé », le thème de l’abandon des règles morales et bour­geois­es pour pénétr­er dans une dimen­sion plus prim­i­tive et rad­i­cale, l’archaïsme du désert pour le père, la cam­pagne des tra­di­tions paysannes pour la ser­vante… Le choix du film est aus­si inévitable­ment lié à des intérêts et des pas­sions artis­tiques envers cer­tains auteurs par rap­port à d’autres, donc au-delà de Pasoli­ni nous nous sommes rap­porté, par exem­ple, à SNAKE EYES d’Abel Fer­rara, à MY OWN PRIVATE IDAHO de Gus van Sant et aux pre­miers films de Won Kar Wai… auteurs que nous appré­cions tout par­ti­c­ulière­ment pour la car­ac­téris­tique styl­is­tique et les thé­ma­tiques ren­con­trées qui, dans ces cas-là, coïn­cidaient avec celles affron­tées dans nos spec­ta­cles.

Avez-vous vu ces films plusieurs fois ? Les revoyez-vous ? Com­ment vous pro­curez-vous le « texte » du scé­nario ? Faites-vous un tra­vail de tran­scrip­tion par­ti­c­uli­er, ou d’adaptation de ce texte à la scène ?

Il est inévitable de voir et revoir le film, de l’analyser et de le sec­tion­ner mais générale­ment le tra­vail que nous faisons est plutôt trans­posé sur le ver­sant de l’audio. Le « bruit de fond du film » nous intéresse ou cer­tains dia­logues qui, décon­tex­tu­al­isés, créent un autre niveau dra­maturgique dans nos spec­ta­cles.

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Laurence Van Goethem
Laurence Van Goethem, romaniste et traductrice, a travaillé longtemps pour Alternatives théâtrales. Elle est cofondatrice...Plus d'info
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