Die Kabale der Scheinheiligen [Le Roman de Monsieur de Molière], ou à la recherche de la Volksbühne

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Die Kabale der Scheinheiligen [Le Roman de Monsieur de Molière], ou à la recherche de la Volksbühne

Le 25 Mar 2018
Jeanne Balibar et Jean-Damien Barbin dans Die Kabale der Scheinheiligen, mise en scène Frank Castorf, Festival d’Avignon, 2017. Photo Christophe Raynaud de Lage.
Jeanne Balibar et Jean-Damien Barbin dans Die Kabale der Scheinheiligen, mise en scène Frank Castorf, Festival d’Avignon, 2017. Photo Christophe Raynaud de Lage.
Jeanne Balibar et Jean-Damien Barbin dans Die Kabale der Scheinheiligen, mise en scène Frank Castorf, Festival d’Avignon, 2017. Photo Christophe Raynaud de Lage.
Jeanne Balibar et Jean-Damien Barbin dans Die Kabale der Scheinheiligen, mise en scène Frank Castorf, Festival d’Avignon, 2017. Photo Christophe Raynaud de Lage.
Article publié pour le numéro
Couverture deu numéro 134 - Institutions / insurrections
134

Le tout n’est qu’un (mau­vais) rêve d’artiste : le Roi Soleil Louis XIV (auquel Georg Friedrich prête ses traits), une ridicule per­ruque à allonge sur la tête, s’étire avec affec­ta­tion, assis sur des coussins rebondis – sous une tente d’apparat estampil­lée Louis Vuit­ton et sur­mon­tée du soleil de Ver­sace –, et s’interroge d’une voix très nasil­larde : « Oui, faut-il inter­dire Mon­sieur de Molière ? ». Ce Mon­sieur de Molière, dra­maturge, met­teur en scène et directeur de théâtre de son méti­er, a écrit pour sa com­pag­nie une pièce dans laque­lle il attaque la big­o­terie du clergé.
Et de ce fait, l’archevêque de Paris veut con­va­in­cre le roi d’interdire Tartuffe, voire, dans la foulée, la com­pag­nie de Mon­sieur de Molière.

Cet archevêque (incar­né par Lars Rudolph) est même encore un peu plus répug­nant que Louis XIV. Sournois et enclin au com­plot, il se fau­file par­mi des francs-juges aux allures de mem­bres du Ku Klux Klan, sur la sen­sa­tion­nelle scène panoramique d’Aleksandar Denic, qui con­tient égale­ment une mon­u­men­tale roulotte bor­dée d’un tréteau – le théâtre ambu­lant de Molière, qui doit être inter­dit du point de vue de l’évêque. Nous avons depuis longtemps déjà fait la con­nais­sance de Mon­sieur de Molière (alias Alexan­der Scheer), de ses amours, de ses maîtress­es et bien sûr de ses acteurs : un artiste, pass­able­ment écorché par toutes ses déchi­rantes ten­ta­tives artis­tiques et amoureuses sous le soleil de la bien­veil­lance royale, qui men­ace néan­moins de se refroidir. Tout comme s’est soudain refroi­di l’amour des hauts dirigeants de Berlin pour leur plus célèbre directeur de théâtre, Frank Cas­torf, qui abor­de aujourd’hui sa pro­pre his­toire à l’aide de celle de Mon­sieur de Molière.
Car quand on est un grand artiste, on voudrait aus­si avoir de grands adver­saires. Pas des petits fonc­tion­naires de par­ti incom­pé­tents, qui ne com­pren­nent rien du tout à l’art sur lequel ils ont un pou­voir de déci­sion. Quand on est un artiste de la trempe d’un Frank Cas­torf, on aimerait avoir pour adver­saire au moins Louis XIV ou l’archevêque de Paris. Au besoin, on accepterait même un Joseph Staline ; c’est dans son Union sovié­tique très régle­men­tée et abso­lutiste que l’écrivain Mikhaïl Boul­gakov, en butte à des dif­fi­cultés, a jadis lui aus­si trou­vé en Molière une fig­ure emblé­ma­tique de ses pro­pres prob­lèmes dans le con­flit entre art et pou­voir. Et Frank Cas­torf a ain­si util­isé le matériel Molière rassem­blé par Boul­gakov dans les années 1930 comme base d’une mise en scène qui par­lerait en fait de lui-même.

Die Kabale der Scheinheiligen (La Cabale des dévots), Das Leben des Herrn de Molière (Le Roman de Monsieur de Molière) d’après Mikhaïl Boulgakov, Pierre Corneille, Rainer Werner Fassbinder, Molière et Jean Racine, mise en scène Frank Castorf, Production Volksbühne am Rosa-Luxemburg-Platz (Berlin), Festival d’Avignon, 2017. Photo Christophe Raynaud de Lage. Avec Jeanne Balibar, Jean-Damien Barbin, Frank Büttner, Jean Chaize, Brigitte Cuvelier, Georg Friedrich, Patrick Güldenberg, Sir Henry, Hann Hilsdorf, Rocco Mylord, Sophie Rois, Lars Rudolph, Alexander Scheer, Daniel Zillmann.
Die Kabale der Schein­heili­gen (La Cabale des dévots), Das Leben des Her­rn de Molière (Le Roman de Mon­sieur de Molière) d’après Mikhaïl Boul­gakov, Pierre Corneille, Rain­er Wern­er Fass­binder, Molière et Jean Racine, mise en scène Frank Cas­torf, Pro­duc­tion Volks­bühne am Rosa-Lux­em­burg-Platz (Berlin), Fes­ti­val d’Avignon, 2017. Pho­to Christophe Ray­naud de Lage. Avec Jeanne Bal­ibar, Jean-Damien Barbin, Frank Büt­tner, Jean Chaize, Brigitte Cuve­li­er, Georg Friedrich, Patrick Gülden­berg, Sir Hen­ry, Hann Hils­dorf, Roc­co Mylord, Sophie Rois, Lars Rudolph, Alexan­der Scheer, Daniel Zill­mann.
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