Inne Goris

Entretien
Musique
Théâtre

Inne Goris

Le 18 Nov 2018
Huis.(c) Koen Broos.
Huis.(c) Koen Broos.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 136 - Théâtre Musique
136

Pen­dant la dernière année de ses études en psy­cholo­gie sociale, Inne Goris a cher­ché une place de stage. Sur les con­seils de son père (« Ce n’est pas si com­pliqué : tu aimes le théâtre et tu aimes tra­vailler avec les enfants. »), elle s’est retrou­vée au Bronks, théâtre pour jeune pub­lic à Brux­elles.

L’envie de mon­ter elle-même des spec­ta­cles ne lui est venue que lorsqu’elle a com­mencé une for­ma­tion à l’Académie de théâtre de Maas­tricht. Dans son tra­vail, Inne Goris est à la recherche des ves­tiges d’un vaste ensem­ble et rend vis­i­ble ce qui était caché. Le résul­tat est une oeu­vre étrange qui trans­gresse les lim­ites de l’art plas­tique et du théâtre. Bien que très var­iés, ses spec­ta­cles ont comme point com­mun de ne pas éviter les thèmes som­bres. Et de tou­jours pren­dre le pub­lic – enfants comme adultes – au sérieux.

Qu’est-ce qui fait des enfants un groupe-cible si par­ti­c­uli­er ? Et lorsque que tu pré­pares un spec­ta­cle pour enfants, est-ce que tu t’y prends autrement que pour un pub­lic adulte ?

C’est un débat qui fait rage depuis des années dans le secteur. J’ai tou­jours plaidé pour l’abolition des fron­tières entre le théâtre pour la jeunesse et le théâtre pour adultes. Moi-même, je lis aus­si des livres jeunesse et je vais voir des spec­ta­cles pour les jeunes. Je ne me demande pas si c’est pour les jeunes ou pour les adultes. Mes spec­ta­cles sont tou­jours pour « tout le monde à par­tir de X ans. » L’important, c’est de trou­ver des références com­munes avec le pub­lic. Si je prends Huis (Mai­son) comme exem­ple : tout le monde ne grandit pas avec un par­ent dépres­sif mais tout le monde a eu un jour affaire à un adulte qui, pour une rai­son ou une autre, n’était pas disponible. Tout le monde (re)connaît cela.

Je pense que, pour moi, tout dépend du sujet choisi ; je ne me dis jamais « main­tenant je vais faire quelque chose pour les petits. » Droe­sem a vu le jour parce que cer­tains con­tes de fée me tra­vail­laient à un moment de ma vie où je voy­ais sou­vent un gamin de qua­tre ans jouer. La fan­taisie dont il fai­sait preuve me fasci­nait. Un dinosaure appa­rais­sait soudain dans la forêt du petit chap­er­on rouge, un bloc de bois se trans­for­mait en auto, puis en tour, puis en des dizaines d’autres choses encore. Pour quelqu’un qui voit cela de l’extérieur, c’est un enchaîne­ment qui peut paraître illogique, mais pour un petit enfant, cela va de soi.

Tu as l’air d’attendre un même degré de fan­taisie de ton pub­lic. Tu lui donnes toute lib­erté d’interprétation, à lui d’imaginer, de se pos­er des ques­tions…

De nom­breux adultes osent pos­er des ques­tions dont ils con­nais­sent déjà les répons­es, comme s’ils avaient besoin de se con­forter dans leurs opin­ions. Alors que la force de l’art, c’est juste­ment de pos­er des ques­tions aux­quelles on peut apporter divers­es répons­es. Moi-même, je n’ai sou­vent pas les répons­es aux ques­tions que soulèvent mes pro­pres spec­ta­cles. Il arrive que des enfants sor­tent d’une représen­ta­tion et dis­ent qu’ils n’ont pas com­pris. Si on leur ren­voie la balle et qu’on leur demande ce qu’ils ont vu, ils vous racon­tent exacte­ment l’histoire qu’ils ont vue sur scène. Quelque part en chemin, nous per­dons notre fan­taisie. Dans Droe­sem, on voit une boîte en car­ton rec­tan­gu­laire se hiss­er lente­ment puis s’allumer dans les hau­teurs. De nom­breux enfants cri­ent alors : « Le soleil ! La lune ! » Alors que les adultes se deman­dent : « Qu’est-ce que ce truc fai­sait là-haut ? » C’est comme si notre fan­taisie se muse­lait quand nous gran­dis­sons. Ce n’est pas encore le cas chez les petits. C’est ce qui est beau chez eux : ils sont encore dans le mag­ique. Et c’est cette fan­taisie-là que je veux stim­uler.

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Écrit par Marieke Baele
Marieke Baele est respon­s­able Presse et Com­mu­ni­ca­tion chez Lod Musiek­the­ater (Gand).Plus d'info
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