« Le manipulateur doit avoir le bras qui pense »

« Le manipulateur doit avoir le bras qui pense »

Entretien avec Stéphane Braunschweig

Le 23 Nov 2000
Jean-Marc Eder dans LA CERISAIE, mise en scène Stéphane Braunschweig, 1992.
Jean-Marc Eder dans LA CERISAIE, mise en scène Stéphane Braunschweig, 1992.

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Jean-Marc Eder dans LA CERISAIE, mise en scène Stéphane Braunschweig, 1992.
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Article publié pour le numéro
Le théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives ThéâtralesLe théâtre dédoublé-Couverture du Numéro 65-66 d'Alternatives Théâtrales
65 – 66
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Alter­na­tives théâ­trales : Vous entamez votre pre­mière sai­son au TNS en pro­gram­mant un spec­ta­cle de mar­i­on­nettes LÉONCE ET LÉNA mis en scène par Gré­goire Cal­lies. Vous avez aus­si prévu d’inclure dans la for­ma­tion des comé­di­ens de l’école, des stages de mar­i­on­nettes. D’où vous vient ce goût pour la mar­i­on­nette ?

Stéphane Braun­schweig : J’ai vu et j’ai fait de la mar­i­on­nette depuis l’enfance. Le théâtre pour moi, c’était d’abord la mar­i­on­nette. Et puis j’ai eu cette chance quand j’étais à l’École de Chail­lot que son directeur, Antoine Vitez, soit un pas­sion­né de mar­i­on­nettes. Un de ses amis proches était le grand mar­i­on­net- tiste Alain Reco­ing. Il y avait donc à Chail­lot à ce moment-là une véri­ta­ble pro­gram­ma­tion de spec­ta­cles de mar­i­on­nettes pour enfant. J’y ai vu des spec­ta­cles de grande qual­ité artis­tique. Ce n’était ni Guig­nol, ni les mar­i­on- nettes de Salzbourg. Je con­sid­érais leur tra­vail comme stricte­ment équiv­a­lent à celui de la mise en scène de théâtre. Ce qui m’avait vrai­ment frap­pé dans les spec­ta­cles que j’ai pu y voir – en par­ti­c­uli­er ceux de Gré­goire Cal­lies –, c’était l’inventivité scéno­graphique. Comme met­teur en scène, je me sen­tais des affinités avec le tra­vail de Gré­goire. Il jouait très sou­vent sur les pro­por­tions, util­isant des mar­i­on­nettes à tiges à une cer­taine taille, ensuite quand les mar­i­on­nettes étaient plus loin – comme dans un paysage en per­spec­tive – des poupées chi­nois­es, et puis au loin de toutes petites ou bien d’immenses quand elles sor­taient du castelet.
Ce tra­vail sur la pro­fondeur de champ a nour­ri mes réflex­ions sur l’art de la mise en scène. Pen­dant ma for­ma­tion à Chail­lot, j’ai suivi deux petits stages que don­nait déjà Gré­goire. Il nous a ini­tiés à la manip­u­la­tion des mar­i­on­nettes à gaine, des petites chi­nois­es, que l’on peut voir dans LÉONCE ET LÉNA.

Quand j’était directeur du Cen­tre Dra­ma­tique d’Orléans, on don­nait des stages de for­ma­tion pour jeunes comé­di­ens pro­fes­sion­nels, et j’ai alors invité Gré­goire, et égale­ment Émi­lie Valan­tin. Arrivant au TNS, dans la lignée de ce que j’avais com­mencé à Orléans, j’ai prévu que les élèves de pre­mière année de l’école suiv­ent un stage de for­ma­tion à la mar­i­on­nette.

Il arrive sou­vent à Gré­goire d’engager pour ses spec­ta­cle au TJP des acteurs qui ne sont pas des mar­i­on­net­tistes pro­fes­sion­nels. Son tra­vail de for­ma­tion per­met à des acteurs de devenir manipu- lateurs en quelques semaines de stages. L’optique n’est pas de trans­former les élèves en mar­i­on­net­tistes pro­fes­sion­nels, mais leur ouvrir un champ de pos­si­bil­ités.

La manip­u­la­tion de mar­i­on­nettes est un exer­ci­ce d’acteur très for­ma­teur, même quand on ne veut pas être mar­i­on- net­tiste. Elle oblige à réfléchir sur la styl­i­sa­tion, sur l’économie des moyens… L’acteur doit à la fois se regarder jouer – il est dédou­blé – et faire corps avec sa mar­i­on­nette. Mais il n’y a pas que la ques­tion de la dis­tan­ci­a­tion. Pra­ti­quer la mar­i­on­nette fait aus­si com­pren­dre l’organicité des mou­ve­ments, com­ment on donne les impul­sions, com­ment se trans­met­tent les éner­gies. C’est très physique. Quand on manip­ule des mar­i­on­nettes à gaine, le bras joue le rôle d’arbre de trans­mis­sion. Cha­cun des mou­ve­ments du corps doit pass­er dans l’arbre de trans­mis­sion, ce qui oblige l’acteur à réfléchir sur ses gestes. À un moment don­né, pour manip­uler, il faut devenir son bras. Il faut que ce soit le bras qui pense. Gré­goire Cal­lies me dis­ait que les comé­di­ens qui ne sont pas manip­u­la­teurs restent dans un pre­mier temps com­plète­ment extérieurs – ils regar­dent com­ment la chose se manip­ule – puis au bout d’un cer­tain temps retrou­vent com­ment jouer, c’est-à-dire qu’ils passent à la mar­i­on­nette leurs qual­ités d’acteur. Cela sup­pose qu’il y ait un courant qui passe, à tra­vers le bras. Manip­uler fait aus­si réfléchir sur ce qu’on est quand on ne par­le pas. Com­ment une mar­i­on­nette con­tin­ue à vivre quand elle ne par­le pas. Il y a ain­si de nom­breuses ques­tions très utiles pour l’acteur qui se posent à l’épreuve de la mar­i­on­nette. Réfléchir à com­ment ne pas se laiss­er mar­i­on­net­tis­er par le met­teur en scène, entre autres.

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