Laboratoire de création multicéphale à géométrie variable
Conçue comme une coopérative de projets qui mutualise des moyens (production, administration, diffusion, logistique) pour éditer des formes transversales, entre spectacle vivant et arts visuels, l’Amicale de production a vu le jour en 2010. Créée par les artistes Antoine Defoort, Julien Fournet et Halory Goerger, et basée conjointement à Lille et Bruxelles, la structure arachnéenne tisse des projets éclectiques et polymorphes au sein d’une équipe qui préfère le management collaboratif aux organisations verticales. Installations, créations in situ et autres performances théâtrales s’inventent au sein d’une vaste équipe composée de porteurs de projets artistiques, de responsables administratifs et techniques qui dialoguent en chœur avec leurs partenaires et programmateurs, avec des territoires et des publics.
SML Vous présentez l’Amicale de production comme une « coopérative de projets vivants »… Cela signifie que vous êtes une coopérative d’activités et d’emploi (une CAE) avec un statut économique distinct du modèle associatif ? Pouvez-vous nous éclairer sur le statut de votre organisation ?
SC Non, cela signifie que toutes les équipes (administratives, techniques, artistiques) œuvrent ensemble à la bonne réalisation, production, diffusion et vie des projets. L’Amicale de production est une association loi 1901 mais pourrait tout à fait changer de statut juridique. Les artistes – porteurs de projets – participent à la vie de l’association et les membres de l’association participent à la vie des projets. Nous tous mettons en commun nos moyens et compétences au service des projets. Pas au service des artistes et de leur carrière. Pas au service de la structure.
HG En effet nous sommes toujours une association loi de 1901, mais ça pourrait changer à l’avenir pour coller davantage à notre réalité. Tout prend du temps. La structure a évolué au fur et à mesure de la création des spectacles dont les besoins étaient toujours plus complexes (décors, tournées internationales, double équipe). En dépit de nos efforts, l’Amicale a toujours eu plus ou moins un an de retard sur les projets. Nous avons opté pour cette appellation « coopérative de projets » parce qu’elle reflète bien l’état d’esprit dans lequel nous travaillons. Nous ne sommes pas une compagnie. Aujourd’hui l’Amicale fonctionne comme un bureau de production. Il n’y a pas de ligne esthétique mais une codirection artistique à trois (Antoine, Julien et Halory), qui concerne surtout des aspects organisationnels et non esthétiques. Avant l’existence de l’Amicale, Antoine et moi avions des identités artistiques proches, et quand nous nous sommes retrouvés autour de &&&&& & &&& 1, nous avons constaté que ni sa structure ni la mienne ne convenaient pour produire la pièce, et c’est donc une nouvelle structure qui s’est lentement formée pour porter non pas des artistes mais deux puis trois puis seize projets. L’Amicale fonctionne comme un ordinateur en accès public auquel les artistes se connectent pour produire / diffuser / administrer un projet. Chaque porteur de projet (c’est-à-dire chaque artiste qui signe un projet accueilli par l’Amicale) dispose de cet accès et, s’il y a des procédures, des us et coutumes, l’Amicale s’adapte à chaque fois. Chaque projet a son équipe distincte et une étanchéité comptable existe entre chaque pièce. Nous avons cependant un mécanisme de redistribution des profits qui permet d’aider des opérations en difficulté.
SML Vous dites que vous menez une expérience coopérative autour de la production de formes hybrides qui vont « du spectacle à la sucette géante »… J’ai en effet pu participer à un jeu de l’oie2, pu prendre un bain dans une piscine de balles couvertes de formules stoïciennes (Les Thermes), assister à des spectacles en salle de formes peu banales, à mi-chemin entre le happening et la conférence loufoque, le tout généralement fort documenté et pour le moins cocasse… Pouvez-vous décrire la variété des projets que vous développez et les champs artistiques (ou autres) concernés ?
SC Les projets s’affranchissent de toute filiation disciplinaire traditionnelle. Les porteurs de projets travaillent au bon développement du projet et la possibilité d’envahir tous les champs artistiques en fait partie.
Parce que les réseaux professionnels (auteurs, interprètes, etc) avec qui nous travaillons sont très variés, parce qu’ils viennent d’univers différents et que chacun porte en lui une esthétique, un courant de pensée, une méthode ou un langage particulier…, susceptible d’alimenter les propositions artistiques, ces dernières se retrouvent donc « hors cadre » ou « pluri cadres »… comme on veut.