Ermanna Montanari, Emma Dante, Marta Cuscunà, mythiques mystiques

Ermanna Montanari, Emma Dante, Marta Cuscunà, mythiques mystiques

Le 19 Juil 2016
Ermanna Montanari, Roberto Magnani, Alice Protto, Massimiliano Rassu dans Vita agli arresti di Aung San Suu Kyi de Marco Martinelli, Teatro delle Albe di Ravenna, 2014. Photo Enrico Fedrigoli.
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Ermanna Montanari, Roberto Magnani, Alice Protto, Massimiliano Rassu dans Vita agli arresti di Aung San Suu Kyi de Marco Martinelli, Teatro delle Albe di Ravenna, 2014. Photo Enrico Fedrigoli.
Ermanna Montanari, Roberto Magnani, Alice Protto, Massimiliano Rassu dans Vita agli arresti di Aung San Suu Kyi de Marco Martinelli, Teatro delle Albe di Ravenna, 2014. Photo Enrico Fedrigoli.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 129 - Scènes de femmes
129
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Qu’ont en com­mun ces trois femmes, sinon d’être artistes, actri­ces au départ, ital­i­ennes et de pos­séder dans leur prénom ce « ma » qui ren­voie comme une litanie à la mam­ma, au mare, la mère ou la mer, bref, aux prémices de notre monde ?
Par ailleurs emblé­ma­tiques de trois généra­tions de femmes artistes en Ital­ie, venant cha­cune de trois régions très dif­férentes, elles nour­ris­sent toutes trois leur art de leur orig­ine, la ques­tion­nant sans cesse et par­venant, sur scène, à ren­dre uni­verselles les thé­ma­tiques qu’elles dévelop­pent. Pour preuve, elles sont con­nues au niveau inter­na­tion­al et leurs spec­ta­cles tour­nent beau­coup. Pour les suiv­re dans les méan­dres de leur intense créa­tiv­ité, nous avons choisi le fil rouge de la reli­gion et de la spir­i­tu­al­ité, qui court par­mi leurs œuvres comme pour nous aider à mieux trou­ver notre chemin.

« Le corps et la voix ne font qu’un, ils sont la même chose. La chair, appelons-la ain­si, c’est l’intuition de soi en tant que parole et corps mêlés. Quand la chair émerge avec vérité au regard des autres, alors la poésie jail­lit. Et cela vaut pour un acteur comme pour un écrivain. L’écriture poé­tique impose tou­jours le rythme de la res­pi­ra­tion. » 

Erman­na Mon­ta­nari

Erman­na Mon­ta­nari, 1957, Campiano, Émi­lie-Romagne

Regarder Erman­na Mon­ta­nari sur scène est une expéri­ence vitale presque physique : son corps, petit, léger, devient immense ; son vis­age et sa voix mag­né­tiques hyp­no­tisent le spec­ta­teur. Elle est à la fois corps et instru­ment de son corps, musi­ci­enne et instru­ment musi­cal. Elle est capa­ble, dans cette chair décrite plus haut, d’intensités féminines et d’insondables abîmes, dans une langue onirique dont la sonorité énig­ma­tique porte en elle toutes les tur­bu­lences archaïques de sa Romagne natale.

Née au théâtre dans les années où se dévelop­pèrent les mou­ve­ments de 77 en Ital­ie, l’actrice est aujourd’hui un per­son­nage incon­tourn­able de la scène ital­i­enne et inter­na­tionale avec le Teatro delle Albe, com­pag­nie dont elle fut la cofon­da­trice en 1983. 

De sa région, elle garde en elle une enfance jamais asservie et cette dual­ité archaïque, inlass­able­ment inter­rogée par les poètes, notam­ment Pasoli­ni, d’une vie paysanne mêlée à une grande moder­nité ; de l’horreur des plages de Rim­i­ni en été à la mélan­col­ie des marécages asséchés peu­plés de cra­pauds, dont les coasse­ments se joignent aux sonorités tel­luri­ennes d’un dialecte par­lé de nos jours par une poignée de gens. Le romag­no­lo, sa musique, illu­mine les mots dans la bouche de l’actrice ; il est la langue de sa scène, un arti­fice dans la recherche de la sim­plic­ité et de la félic­ité du dire. Son hum­ble local­ité et sa raré­fac­tion n’en font pas moins une langue théâ­trale uni­verselle qui racon­te le rap­port à la terre et aux objets et les con­tra­dic­tions vitales de cette région, de son pays.

Erman­na est née trop petite, décharnée, malade, après un frère mort dont on lui a affublé le prénom. Grâce à son grand-père pater­nel, fig­ure du patri­arche paysan par excel­lence, red­outé et admiré, elle finit ses études con­tre l’avis de son père, pour qui une fille doit aider ses par­ents aux champs et dans les tâch­es domes­tiques. Grâce à ce non­no, elle réus­sit à créer cette fameuse « cham­bre à soi », indis­pens­able prérog­a­tive woolfi­enne à toute créa­tion (fémi­nine ou non), et c’est ain­si qu’elle put s’affranchir du car­can famil­ial, de la puan­teur de Campiano (son vil­lage natal) selon ses dires, ren­con­tr­er l’homme qui devien­dra son com­pagnon d’art et de vie, Mar­co Mar­tinel­li, et com­mencer son par­cours d’artiste en s’inspirant juste­ment de ce passé arché­typ­ique. 

Ses rôles au théâtre seront tou­jours – sauf pour Harpagon de Molière – des femmes « fémin­istes » dans le sens de « libres » ou « com­bat­tantes » pour la lib­erté et la jus­tice : dans Pan­tani (2012), par exem­ple, elle incar­ne une mère qui lutte pour la réha­bil­i­ta­tion de l’honneur de son fils (le cycliste Mar­co Pan­tani) et récem­ment, dans Vita agli arresti di Aung San Suu Kyi (2014), la résis­tante bir­mane, prix Nobel de la Paix.

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Ermanna Montanari
Emma Dante
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Laurence Van Goethem
Laurence Van Goethem, romaniste et traductrice, a travaillé longtemps pour Alternatives théâtrales. Elle est cofondatrice...Plus d'info
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